Commentaires sur le rapport de l’Anses concernant les stratégies de lutte contre le charançon rouge du palmier
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- Publication : vendredi 26 juillet 2019 16:57
Commentaires sur le rapport de l’Anses publié le 19 décembre 2018
N.B. Ces commentaires ont été présentés, pour l’essentiel, à l’Anses lors de la réunion nationale du 11 février 2019 à la DGAL.
Le groupe de travail des experts de l'Anses recommande, dans son rapport, de poursuivre l'éradication dans la zone Atlantique et les zones non encore ou peu contaminées et de contenir l'expansion du charançon dans la zone méditerranéenne contaminée. C'est impossible et c'est absurde !
Le groupe de travail de l'Anses commet plusieurs erreurs graves.
1- Les experts de l’Anses ont interprété faussement les scénarios des spécialistes internationaux du traitement des palmiers de la FAO publiés dans la « Proposition de stratégie multidisciplinaire et multirégionale de gestion du charançon voir figure 2» de la réunion organisée par la FAO à Rome en mars 2017, sur lesquels ils disent s'être appuyés et c'est un comble, suivre les recommandations !
Ils ont affirmé sans en fournir la moindre démonstration que dans les zones méditerranéennes le coût des traitements à mettre en oeuvre pour arriver à l'éradication seraient exorbitants et de plus en oubliant de tenir compte des économies que pouvaient représenter pour les propriétaires la préservation de leur patrimoine en leur évitant : les frais d'abattage, de terrassement ou génie civil et de remplacement, en cas de perte.
A titre d'exemple et sur les seules années 2016 et 2017, la Cavem (Frédéric Ferrero directeur du Pôle environnement E3D) annonçait qu' Arecap avait permis, en 2016 et 2017, de préserver plus de 60 palmiers publics ce qui représentait une économie minimum de 50000 euros en frais d'abattage et de 350 000 euros en valeur de patrimoine préservé - chiffres publiés lors de la réunion publique organisée à Antibes le 31 janvier 2018 -(compte-rendu complet de la réunion). Le coût fonctionnel de l'organisation de la lutte collective ARECAP était largement compensé par les économies sur les traitements des seuls palmiers publics (les tarifs négociés dans le cadre de la lutte collective Arecap passaient à 60€HT en 2016 alors qu’ils étaient de 160€HT en 2015 hors Arecap ). Dans Arecap, les palmiers publics représentent moins de 20% des palmiers traités. Les économies potentielles globales étaient donc au moins 5 fois supérieures !
2- Par ailleurs le groupe de travail des experts de l'Anses commet deux erreurs graves
a) en assurant que dans la zone méditerranéenne, le scénario raisonnable en terme de coût serait de se borner à contenir l'infestation du charançon. D'abord parce que depuis 2010 c'est ce qui a été fait en France ! et on en voit le résultat !
Sur l'ensemble des zones contaminées du bassin méditerranéen, la prolifération et le taux d'infestation n'ont cessé d'augmenter sauf sur les territoires où des luttes collectives ont été menées (les seules luttes collectives sont celles qui ont été organisées par la Cavem en partenariat avec Propalmes83 depuis juin 2016 et par Vence en partenariat avec les Palmiers du Pays vençois depuis 2017 ; deux associations membres du CMSP qui étaient conseillées par Michel Ferry).. Les mêmes causes produisant les mêmes effets on peut donc s'attendre avec la stratégie proposée par l'Anses et retenue par la DGAL à ce que la prolifération du charançon ne diminue malheureusement qu'avec la disparition progressive mais inéluctable des palmiers.
b) Au plan économique les experts de l’Anses ne tiennent pas compte de l'échelle temps !
Vouloir "confiner" le charançon obligera à maintenir en permanence des traitements coûteux pour les propriétaires jusqu'à la disparition des palmiers (combien de temps ?) alors que son éradication ne nécessiterait un effort important que sur quelques années (5 ans environ). Enfin il sera totalement impossible de le contenir aux seules zones méditerranéennes contaminées car le charançon est un bon voilier, capable de voler sur plusieurs kilomètres, et comme le commerce et le transport des palmiers est très difficilement contrôlable, compte tenu de l’insuffisance des moyens en personnel et ce malgré les mesures prises, il poursuivra son expansion sur l'ensemble du territoire tant qu'il trouvera des palmiers pour nourrir ses larves.
Pourquoi les experts de l'Anses ont-ils pu commettre ces erreurs?
Le groupe de travail était composé de spécialistes : 1 épidémiologiste, 2 entomologistes, 1 spécialiste en modélisation. Tous, sans doute très compétents dans leur spécialité, mais aucun d'entre eux n'est connu pour ses connaissances et son expérience de terrain dans le traitement des palmiers contre le charançon même si l’un d’entre eux, Didier Rochat, qui était chercheur à l’Inra est bien connu pour ses études sur la biologie du charançon ( nous le connaissons bien également pour ses déclarations lors du Copil du 10 mars 2016 organisé par la Draaf-Paca : pour lui, le Phoenix canariensis n’avait rien à faire sur la Côte d’Azur et les communes qui avaient décidé de ne pas traiter (en contravention avec l’arrêté de 2010) avaient fait un bon choix ! Il doit donc être pleinement satisfait puisque la DGAL a suivi ses recommandations.
Par contre, le traitement des palmiers contre le charançon, c’est un domaine dans lequel travaille Michel Ferry depuis plus d'une vingtaine d'années et dont les compétences et l'expérience sont reconnues par tous les spécialistes internationaux avec lesquels il est en relation de travail, aujourd’hui en tant qu'expert de la FAO après avoir été chercheur à l'INRA jusqu'en juin 2016. Il est l'auteur de la méthode d'assainissement des palmiers, pratiquée par de nombreux professionnels qui ont suivi sa formation pour être agréés à traiter les palmiers contre le CRP par la Draaf. Il a également travaillé à la Station Phoenix d'Elche en Espagne sur la mise au point et la démonstration de l'efficacité du traitement par injection d'émamectine benzoate dans le stipe des palmiers. Il est aujourd’hui Directeur scientifique de la Station de recherche Phoenix à Aspe en Espagne.
Le rapport d'une étude présenté par Michel Ferry lors des conférences de la FAO en 2019 à Bari, montre qu'il est possible de réduire drastiquement la population de charançon pour l'amener à un niveau suffisamment bas pour pouvoir ensuite l'éradiquer en quelques années (5ans). Il faudrait pour cela que 75% des palmiers cibles, existants sur la zone considérée, soient traités efficacement (par exemple avec l'injection d'émamectine benzoate) contre le CRP pendant 3 années consécutives. Les foyers résiduels, dispersés et peu nombreux pourraient être ensuite traités avec des insecticides biologiques pour arriver à l'éradication. Les insecticides biologiques existants ne sont pas suffisamment efficaces pour réduire la population de CRP dans les zones contaminées lorsque le taux d'infestation est important comme c'est le cas aujourd'hui sur l'arc méditerranéen.
Malheureusement et malgré les résultats tout à fait intéressants, obtenus avec Arecap et Palmiers06, que nous avions présentés au ministère lors de la réunion nationale du 11 février 2019, ses recommandations, conformes à celles de l'ensemble des spécialistes de la FAO n'ont pas été retenues par le ministère dans le nouvel arrêté. Pourquoi?