Palmiers : la question des risques éventuels après trois années d'injection

La question des risques éventuels après trois années d'injection (traitements des palmiers à l'émamectine benzoate)


J’ai proposé cette limite de trois ans pour l’utilisation des traitements par injection pour trois raisons principales :
- m’opposer à l’utilisation de ce traitement comme un traitement de routine sans limitation dans le temps comme Syngenta l’a soutenu après avoir obtenu l’AMM du Revive.

Au contraire je défendais et continue à défendre le principe d’une utilisation de cette technique limitée dans le temps et dans un cadre stratégique et réglementaire très strict ;
- fixer une limite d’utilisation courte non pas pour des raisons de risque mécanique mais pour correspondre à la stratégie de lutte contre le CRP que tant l’INRA, La FREDON et FNE considérait en 2014 comme la seule encore réaliste pour sauver les palmiers : obtenir la régression rapide et brutale du CRP grâce à la mise en place d’une lutte collective permettant le traitement préventif d’un pourcentage important de palmiers (voir la deuxième note sur la validité de cette proposition) ;
- obtenir l’adhésion des municipalités et des particuliers qui étaient en zéro phyto à une stratégie reposant sur l’utilisation pendant un temps court d’un insecticide de synthèse, en conformité d’ailleurs avec la conception même de la loi Labbé qui prévoit une telle utilisation contre un ravageur de quarantaine quand aucune autre solution suffisamment efficace n’existe.


En raison d’une part du monopole sur l’application du traitement par injection imposé par Syngenta et d’autre part d’une réglementation qui a autorisé ce règlement sans obligation d’une utilisation dans le adre exclusif de plans de lutte collective, la période de trois ans a été dépassée.
Quelle incidence sur le risque de chute (c’est le seul qui importe) pourrait avoir la poursuite des injections au-delà de 3 ou même 5 ans ?
Tous ceux qui connaissent les palmiers savent que nombreux sont ceux qui présentent des trous, parfois très importants, dans le stipe sans que cette situation n’ait créé un risque inacceptable qui aurait dû conduire à leur abattage. A partir de combien d’années les blessures créés par les injections peu profondes dans le stipe et bien réparties conduiraient-elles à un risque inacceptable ? Certainement beaucoup plus de 3 ou 5 ans.

Malheureusement le débat sur le risque présenté par les injections chez les palmiers est faussé pour deux raisons principales que je résume ici (nous avons publié un article/review sur la question des injections chez les palmiers : Ferry M., Gomez S., 2014. Assessment of risks and interest of injection techniques in integrated programs to eradicate the red palm weevil : review and new perspectives. Fruits vol. 69 (2) 143-157) :
- cette technique était complètement inconnue en Europe il y a quelques années alors qu’elle est pratiquée depuis plus de 50 ans dans le monde contre divers ravageurs des palmiers. Elle n’est jamais utilisée comme une technique de routine mais toujours dans des circonstances exceptionnelles (pullulation d’un ravageur, éradication d’une espèce invasive). Le risque a toujours été considéré acceptable à condition de respecter strictement les protocoles et en limitant le nombre d’injections au strict minimum nécessaire ;
- quelques techniciens, connus pour les documents de vulgarisation qu’ils ont publiés sur les palmiers, ont prétendu que les palmiers n’avaient pas la capacité de « cicatriser » (compartimenter pour être exact) et ont donc mis en garde contre l’utilisation des traitements par injection. Leur position repose sur une erreur scientifique majeure : ils sont convaincus que les palmiers n’ayant pas de cambium n'ont pas la capacité de cicatriser et qu'il faut donc éviter à tout prix de les blesser. C'est un mythe, évidemment faux, dénoncé depuis longtemps par le chercheur américain, A. Shigo, qui reste la référence mondiale de la question des blessures chez les plantes. C'est lui qui est à l'origine du fameux concept de la compartimentation et du CODIT. La compartimentation chez les palmiers existe bien évidemment même si elle suit un processus plus simple que chez les arbres. Les quelques techniciens qui ont prétendu le contraire n’ont pas compris que la compartimentation constituait une propriété indispensable à la survie des espèces végétales pérennes et que même si les palmiers n’étaient pas des arbres, ils avaient forcément développé des mécanismes de compartimentation, faute de quoi cette famille ou en tous les cas ses représentants pérennes auraient été éliminés par la sélection.

Michel Ferry
Le 18/01/19