A propos de l'injection au Confidor pour traiter les palmiers

 

ATTENTION : Le Confidor est interdit depuis le 1er septembre 2018 (interdiction des néonicotinoïdes)

Nous avons établi il y a presque de dix ans (Gomez et Ferry 1998) que le confidor en injection, à condition d’être correctement dilué, était efficace pour protéger les palmiers durant environ deux mois. Le problème est que cette persistance d’action faible oblige à renouveler les injections fréquemment, ce qui à terme, comme cela est souligné par tous les experts en la matière, peut entraîner le pourrissement ou la nécrose indétectables de portions de stipes avec les conséquences dramatiques que cela peut avoir.

A grande échelle, le recours à la technique d’injection ne peut être envisagée que dans le cadre d’une organisation collective de la lutte où tous les palmiers publics et la majorité des palmiers privés sont injectés un nombre limité de fois afin d’obtenir de la manière la plus efficace et économique possible la régression brutale du ravageur en quelques années. C’est ce que quelques municipalités en France ont enfin compris. Elles sont en train de mettre en œuvre cette stratégie dans l’espoir que très rapidement, avec l’appui des services de l’Etat et des associations, elles entraînent par leur exemple un nombre toujours croissant de municipalités, ce que l’on est en train d’observer malheureusement de manière encore beaucoup trop dispersée.

Malheureusement aussi, cette dynamique risque d’être brisée à cause de l’abandon de la lutte obligatoire contre le CRP en Europe (à l’exception des pays indemnes). Les municipalités, les particuliers et les associations sont très inquiets par cette perspective, d’autant plus qu’ils n’ont pas été jusqu’à présent informés sur la décision qui pourrait être prise par les autorités françaises et encore moins associés à son élaboration, contrairement à ce qui s’était passé lors de la préparation de l’arrêté du 21 juillet 2010. Nous sommes clairement à un tournant dans cette bataille: alors que de très nombreuses municipalités en France, en Espagne et en Italie (j’ai l’impression que c’est beaucoup moins le cas au Portugal) appuyées par le secteur associatif ont enfin décidé d’agir, la CE va prendre, pour n’avoir pas compris que l’échec actuel n’était pas dû à un manque de moyens de lutte mais un manque d’organisation, une décision qui va conduire à une catastrophe environnementale et patrimoniale de grande ampleur. C’est d’autant plus inadmissible que la décision européenne repose aussi, si ce n’est pas essentiellement, sur le lobbying exercé par les commerçants de palmiers ornementaux auprès des autorités phytosanitaires nationales d’un certain nombre de pays pour que les échanges puissent reprendre sans contraintes. Cela est explicité noir sur blanc dans la justification du projet d’annulation de la décision CE du 25 mai 2010: “to protect the production and trade of plants”.Et les commerçants de palmiers ornementaux n’ont d’ailleurs pas attendu pour reprendre les affaires: voir ici

  C’est à plusieurs erreurs magistrales de la réglementation des pays européens et de la CE que l’on doit l’introduction et la dispersion du CRP en Europe (voir "la lutte contre le CRP: les leçons d’un échec” 2013). Le pire c’est que c’est parce que les leçons de cet échec n’ont pas été tirées, essentiellement par refus de reconnaître les erreurs commises, que va se produire une catastrophe qui pourrait encore être évitée et qui malheureusement en annonce bien d’autres en ZNA au moins. La bataille contre le CRP qui a mobilisé, au moins en France, beaucoup d’acteurs très engagés, aurait pu et dû servir de modèle par la mise en place de mécanismes de lutte collective permettant du niveau national au niveau municipal que tous les acteurs soient préparés pour faire face en urgence à l’introduction d’une espèce nuisible. C’est raté.

Michel Ferry (Elche le 17 juillet 2017)

Expert FAO du CRP

Directeur scientifique de la station Phoenix