Nice : un choix dogmatique qui condamne les palmiers !

Christian Estrosi, président de la Métropole de Nice et président délégué de la Région Sud-Paca, a adressé le 28 mars 2019 une lettre à Madame Jacky Deromedi, sénateur, pour lui apporter des éléments de réponses suite à nos démarches. Michel Ferry, expert de la FAO pour la sauvegarde des palmiers et président du CMSP  a tenu à répondre (texte surligné en jaune) point par point à certains arguments (en italique couleur bleue) présentés dans cette lettre.

 

"La Ville de Nice a l’ambition légitime d’être la ville verte de la Méditerranée et a initié, face au fléau du charançon rouge, une démarche ambitieuse de zéro phyto anticipant les obligations de la loi Labbé..."

Volontairement ou par ignorance, le responsable de la Mairie qui a rédigé ce texte pour M. Estrosi a oublié un élément essentiel de la loi Labbé : cette loi, à l’initiative d’un député d’Europe Ecologie Les Verts a prévu expressément que reste autorisé le recours à des produits de synthèse quand ceux-ci constituent la seule solution efficace pour lutter contre un ravageur susceptible d’entraîner une catastrophe environnementale ou économique et contre lequel, en conséquence, le Ministère décide par arrêté que la lutte est obligatoire. C’est exactement la situation qui correspond à celle du charançon rouge des palmiers. C’est justement parce que le responsable de la Mairie de Nice, chargé des espaces verts, n’a pas compris l’importance de cette disposition de la loi Labbé qu’il s’est entêté à utiliser des traitements biologiques dont tous les experts reconnaissaient l’inapplicabilité et l’insuffisante efficacité pour contrôler le CRP à partir du moment où sa dispersion était élevée.

En conséquence, il s’est produit à Nice une hécatombe épouvantable de palmiers exceptionnels. C’est une catastrophe dont la Mairie est responsable vis-à-vis de la collectivité pour ne pas avoir pris les mesures adaptées à la préservation d’un patrimoine irremplaçable dont elle avait la charge. Il faut en plus ajouter que la Mairie en ne protégeant pas efficacement les palmiers municipaux et en n’intervenant pas rapidement sur ceux qui, en conséquence, se sont retrouvés infestés, a contribué à la multiplication et à la dispersion du ravageur, concourant ainsi à l’hécatombe de palmiers qui s’est produite également chez les particuliers. La Mairie est responsable vis-à-vis d’eux d’un préjudice grave.

 

"...C’est pourquoi, il n’a pas été appliqué les traitements chimiques prévus dans le décret du 21 juillet 2010 de lutte obligatoire contre le charancon rouge du palmier qui imposait, dans les stratégies 1 et 2, une application d’imidaclopride, un insecticide néonicotinoïde dangereux pour |’environnement, ce qui a d’ailleurs conduit a son interdiction le 1° septembre 2018..."

Une nouvelle fois, le rédacteur de cette lettre semble ne pas avoir une connaissance complète du sujet et présente une version passablement tronquée de la réalité. L’insecticide en question n’est pas dangereux pour l’environnement de manière générale (dans d’autres textes de la Mairie de Nice c’était la santé des personnes qui était mise en avant) mais par rapport à un problème bien spécifique et lui extrêmement sérieux, le déclin massif des abeilles et autres pollinisateurs. Ces insectes se trouvent gravement affectés quand ils s’alimentent du pollen et du nectar des plantes mellifères traités à l’imidaclopride. Or, les palmiers patrimoine de Nice qui sont essentiellement des Phoenix canariensis ne sont nullement des plantes mellifères.

 

" ..La commune avait donc anticipé, pour le bien-être environnemental de sa population,sur l'évolution inéluctable de la législation vers les traitements biologiques... "

le rédacteur nous fait passer du problème supposé sur l’environnement au sens large à celui sur le bien-être environnemental de la population (Sic !). Il suggère maintenant un risque sur la santé alors que la famille d’insecticides à laquelle appartient l’imidaclopride a justement été largement utilisée et autorisée par la DGAL en raison du peu de risques qu’elle présentait sur la santé

 

"..C’est pourquoi la stratégie 3, prônée par la Communauté d’Agglomération Var Estérel Méditerranée, n’a pas été retenue car il s’agit d’une injection chimique d’émamectine benzoate avec comme solvant de l’alcool tétra hydro furfural, nocif pour la santé humaine, pouvant ressortir dans les suintements visibles sur les stipes du palmier..."

Les « suintements » qui se produisent essentiellement sur les vieux palmiers injectés correspondent à des écoulements de sève montante par le trou résultant de l’injection. Ces écoulements ne passent nullement par les tissus du palmier dans lesquels se trouvent le produit injecté et, en conséquence, ils ne peuvent le contenir. Le gros avantage du traitement par injection par rapport aux traitements phytosanitaires classiques (y compris avec des produits bio comme celui utilisé par la ville de Nice que l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire a évalué comme pouvant être mortel pour les abeilles) est justement d’éviter toute dispersion du produit dans l’environnement.

 

"..Cette méthode ne peut donc pas s’inscrire dans une démarche de développement durable car non pérenne et ne pouvant s’appliquer que pendant trois, voire cinq ans maximum.

En effet, elle nécessite le percement de quatre trous a la perceuse dans le stipe sur une profondeur d’un tiers du diamètre de celui-ci qui provoquent des nécroses fragilisant le palmier.

Ensuite, après des années d’injections, la situation sera identique avec un charançon présent ou qui reviendra en l’absence de moyens de lutte chimique..."

Extraordinaire incompréhension, ou méconnaissance de la part du rédacteur de ce courrier de la stratégie mise en œuvre par la Cavem et approuvée par l’INRA, la Fredon et France Nature Environnement. Elle est conçue pour être appliquée pendant un nombre d’années aussi réduit que possible. Elle ne se veut donc absolument pas pérenne. L’objectif est d’obtenir très vite la régression massive du CRP, ce qui permettra d’abandonner le traitement par injection de l’insecticide de synthèse au profit d’un traitement biologique qui, le CRP étant confiné en un nombre réduit et bien localisé de foyers, permettra d’éradiquer le ravageur.

 

"..Pour cette raison, la Ville de Nice a choisi une stratégie mixte entièrement biologique avec des nématodes, petits vers parasites des larves du charançon et du Beauveria bassiana*, champignon entomopathogéne qui a reçu une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) le 9 mars 2018..."

Ce serait parfait si elle marchait mais les résultats sont là pour prouver son inefficacité : la majorité des Phoenix canariensis qui constituait à Nice un patrimoine remarquable ont disparu alors qu’ils auraient pu être sauvegardés. L’entêtement dogmatique de la ville de Nice a eu des conséquences épouvantables. A cet entêtement, contre la position même du député écologiste à l’origine de la loi Labbé et contre une proposition de stratégie soutenue par la principale confédération écologique française (FNE), il faut ajouter une erreur de la démarche adoptée par la ville de Nice. Elle ne pouvait aboutir qu’à un échec car espérer sauver les palmiers de la municipalité sans se préoccuper des palmiers des particuliers et donc sans adopter une stratégie globale et collective associant les particuliers n’a aucune chance de réussir. Cela revient, par analogie avec la lutte contre les incendies, à ce que le débroussaillage ne soit pratiqué que de manière ponctuelle et dispersée sur une partie du territoire. Dans ces conditions, l’incendie finit par tout ravager.

 

*Beauveria bassiana : pour plus d'informations, voir notre article "Beauveria bassiana produit miracle ou poudre aux yeux"

 

Pourquoi cette obstination de la part de Monsieur Estrosi dans une politique dont on voit les résultats catastrophiques sur le terrain et qui ne rend nullement la ville de Nice plus verte pour autant ?

Monsieur Estrosi, est visiblement mal informé ce qui est regrettable car nous aurions tous, au contraire besoin de son soutien pour lutter contre ce fléau. En effet, si la métropole niçoise participait à la lutte collective, nous serions pratiquement assurés qu’elle serait suivie par des villes comme Cannes, Antibes, Menton et cela aurait un effet d’entraînement qui augmenterait considérablement nos chances d’arriver rapidement à faire régresser la population de charançons.

 

Le temps est maintenant compté pour sauver les quelques palmiers des Canaries qui restent encore !