Un palmier s'effondre sur la Croisette en plein festival de Cannes 2025 !

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Publication : vendredi 30 mai 2025 10:26

Un palmier s'effondre sur la Croisette en plein festival de Cannes 2025 !

Un palmier s'effondre sur la Croisette en plein festival le 17 mai 2025, sous l’effet d’une rafale de vent, blessant un festivalier. 
Fort heureusement la personne blessée serait sortie de l'hôpital le 18 mai d'après nice-matin du 19 mai.

Le palmier Butia en question au premier plan sur le boulevard de La Croisette (photo Google Earth Street view en avril 2012).

Le même palmier Butia en arrière plan, vu entre des dattiers du terre-plein central (photo Google Earth Street view en juin 2022). 

L’étude des photos, publiées dans nice-matin du 17 et du 19 mai, montrent que ce palmier était visiblement en très mauvais état (frondaison très réduite avec très peu de palmes encore vertes). Un tel affaiblissement est anormal et ne peut s'expliquer, dans le cas présent, que par un problème d'alimentation en eau et en nutriments prolongé.
Par ailleurs, l'intérieur du stipe (faux tronc chez les palmiers) dans la zone de la rupture, que l’on peut voir sur la vidéo publiée par france3paca, met en évidence la présence d'amas de fibres broyées sur la totalité ou quasi totalité de cette section du stipe. Cet aspect est tout à fait caractéristique d'une attaque du charançon rouge du palmier (CRP) dont les larves détruisent l'intérieur du stipe en creusant des galeries et des cavités qui se remplissent des fibres qu'elles ont broyées pour s'alimenter (non pas en les ingérant mais en les exprimant pour en absorber le jus). En fonction de l’importance de l’attaque, la résistance mécanique du palmier et la vigueur de sa frondaison sont réduites plus ou moins rapidement

Les autres hypothèses pour expliquer cette chute dramatique qui ont été rapportées par différents médias ne peuvent être retenues : 

- Le coup de vent n'a fait que précipiter la chute du palmier qui était inéluctable parce qu'une portion importante de son stipe, dans la partie basse, avait été évidée comme cela se produit classiquement lors d'attaques de CRP au niveau du stipe. Ce type d'attaque a été la cause de plusieurs cas de chute brutale de palmiers en espaces urbains sur la côte méditerranéenne y compris en France. C'est d'ailleurs ce risque documenté par la station Phoenix depuis 2008 qui a conduit la DRAAF/PACA à diffuser une affiche de mise en garde en 2014 (rediffusée en 2018) et a amené le CMSP à communiquer fréquemment sur ce risque.

Chutes de palmiers ( Collection photos Station Phoenix)

- La chute de ce palmier à Cannes ne peut être expliquée ni par une attaque de termites (leurs attaques sur palmier se présentent de manière très différente) ni par une attaque du papillon Paysandisia archon (les larves blanches signalées dans l'un des articles publiés sur cet accident sont en fait des larves de cétoine, très fréquentes dans les tissus morts des palmiers mais absolument inoffensives pour le palmier), ni par une attaque fongique (qui ne permettrait pas d’ expliquer la présence d'amas de fibres broyées).

Même s’il est possible qu'aucune larve ou adulte ne soient trouvés dans les tissus broyés ou pourris, une dissection soigneuse du stipe au dessus et en dessous de la zone de rupture permettrait de détecter la présence de cocons, possiblement vides, qui constitueraient une preuve complémentaire d’une infestation par le CRP .

Il ne fait aucun doute que les vrais responsables de ce malheureux accident  qui aurait pu être beaucoup plus grave, sont les charançons rouges du palmier. C'est le premier cas, constaté en Europe, de la chute d'un palmier du genre Butia dont plusieurs espèces sont les hôtes naturels de Paysandisia archon (*) dans son aire d'origine (Amérique australe). Cet insecte a été introduit en Europe avec des plants malheureusement infestés (de Butia yatay entre autres) ou, dispersé en premier lieu et souvent de manière massive par le commerce des palmiers. Il s'est comporté, comme le CRP, en ravageur plus ou moins invasif de plusieurs espèces de palmiers..

Le Butia qui est tombé à Cannes a été infesté très probablement suite à une blessure de la base du stipe.

Le CRP ne pourrait donc n'être qu'un ravageur accidentel de cette espèce de Butia. La nécessité d'une blessure préalable dans le stipe créant un site de ponte s'observe chez différentes espèces de palmier, y compris chez de grands dattiers ou des grands Phoenix canariensis (http://propalmes83.com/images/pdf/121100-Phytoma-658-Ferry-Gomez-mises-au-point-sur-la-lutte.pdf).

En l'absence d'application de traitements préventifs ou de traitements suffisamment efficaces et appliqués de manière suffisamment régulière et rigoureuse, les charançons rouges s’y sont installés et développés pendant quelques années. Leurs larves ont fini par détruire une portion  importante de la structure fibreuse de soutien du palmier qui assurait sa résistance mécanique.

Parallèlement à l'affaiblissement de sa résistance mécanique, l'alimentation de sa frondaison en eau et en nutriments est devenue de plus en plus déficitaire. A partir d'un certain moment, cela s'est traduit par un dessèchement de plus en plus important et visible. Ces symptômes sont connus pour des attaques à la base du stipe des palmiers quand l'infestation est déjà très avancée. Par contre, à un stade plus précoce, d'autres symptômes sont également détectables moyennant une inspection régulière et soigneuse de la base du stipe.

Dans le cas des palmiers dattiers (Phoenix dactylifera) les rejets constituent des sites d'attraction et d'infestation extrêmement puissants pour le CRP. Bien que la présence de rejets soit souvent prisée par les propriétaires pour leur effet décoratif, il est fortement conseillé de les éliminer en respectant un protocole postopératoire précis et,  à défaut d'appliquer un traitement préventif et de les inspecter fréquemment (l'existence de symptômes précoces d'infestation sont assez faciles à détecter).

Chez le palmier des Canaries (Phoenix canariensis), sauf quand les exemplaires sont de petite taille ou blessés au niveau du stipe), les attaques des CRP se produisent au niveau de la frondaison, principalement dans la base des jeunes palmes. Elles peuvent être détectées suffisamment tôt par des inspections visuelles régulières ( voir notre article "Charançon rouge : surveillance et traitements préventifs des palmiers") ce qui permet d'éviter que le palmier infesté ne disperse de nouveaux CRP et de le sauver dans bien des cas, par assainissement mécanique.

Tous les palmiers devraient être surveillés régulièrement et traités préventivement avec un insecticide suffisamment efficace, car même si des palmiers comme les Washingtonia, les Butia ou les grands dattiers sont beaucoup moins attaqués que les palmiers des Canaries sous nos latitudes il ne faut pas oublier que le charançon est capable d'infester différentes espèces de palmiers et de faire des ravages dans les palmeraies de dattiers comme c’est le cas au Moyen Orient ou même en Espagne et en Italie où la plupart des pépinières de dattiers ont été entièrement décimées.

Il est important que l'inspection des palmiers repose sur la recherche des symptômes précoces visuels d'infestation et non sur d'autres techniques comme la détection par caméras thermiques ou par senseurs vibrationnels. Plusieurs recherches ont montré que ces techniques ne permettaient, en général, qu'une détection très tardive, en particulier parce que la structure fibreuse du palmier en fait un excellent isolant acoustique et thermique.

Alors que le ministère de l’Agriculture vient d’annoncer (arrêté du 28 avril 2025) l’abrogation de l’arrêté de lutte obligatoire contre le charançon rouge sur le territoire national au 1er novembre 2025, cet accident vient rappeler qu’il est impératif que la lutte obligatoire contre le charançon rouge soit au contraire renforcée dans les régions infestées du Sud pour que les passants puissent se promener et les enfants continuer à jouer à l’ombre des palmiers dans les jardins publics sans avoir la hantise d’être la cible d’une roulette russe.

Des enfants jouent au ballon dans un parc à Nice alors que les palmes centrales de ce palmier des Canaries sont prêtes à tomber (photo DC janvier 2018)

Un accident a pu être évité grâce au signalement du danger imminent que représentait la chute des palmes et de la partie haute de ce palmier des Canaries
prêtes à s'écrouler sur le trottoir de la Croix de marbre à Nice (photo DC décembre 2017)

Le charançon rouge aurait pu être éradiqué depuis longtemps si des luttes collectives associant les propriétaires de palmiers publics et privés avaient été organisées dans toutes les collectivités infestées du bassin méditerranéen en suivant l’exemple de ce qui s’est fait aux îles Canaries ou par Estérel Côte d’Azur Agglomération (ex Cavem).

Michel Ferry  le 25 mai 2025

Directeur scientifique de la Station Phoenix de recherche à Aspe (Espagne), chercheur de l’INRA jusqu’en 2016, expert international pour la FAO de 2016 à 2024 dans le traitement des palmiers contre le charançon rouge, président du Collectif Méditerranéen pour la Sauvegarde des Palmiers

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A noter également :

- le 20 mai 2025 chute d'un palmier sur la promenade des Anglais voir l'article nice-matin "Vigilance jaune pluie-inondation et orages: un palmier chute sur la promenade des Anglais à Nice

- le 21 mars 2025 chute d'un palmier sur la promenade des Anglais voir l'article BFMTV "Vents violents à Nice: un palmier de la promenade des Anglais tombe sur une terrasse"