Responsabilités en cas de chutes de palmes ou de palmiers infestés

A la suite d'un fait divers relaté dans Nice Matin du 13 février 2017, un juriste vient d'adresser une lettre aux principaux acteurs de la lutte contre le charançon rouge du palmier pour rappeler les différentes responsabilités civiles et pénales qui peuvent incomber aux propriétaires de palmiers. Rappelons que l'arrêté du 21 juillet 2010 déclare la lutte contre le CRP obligatoire sur tout le territoire national.

Chutes de palmes/palmiers et responsabilités
 Ce nouvel accident de chute de palmes qui s’est produit sur le domaine public de Le Cannet-Rocheville, démontre bien que l’explosion du charançon rouge sur la Côte d’Azur peut causer de plus en plus d'accidents dangereux, voire potentiellement «mortels » comme le rappelle le Ministère de l’agriculture dans son Vade-mecum (Vade mecum réalisé à l'intention des collectivités territoriales). 
 
Heureusement pour l'instant, ces chutes de palmes ou de palmiers infestés n’ont causé que des dégâts matériels sur la Côte d’Azur, comme en l’occurrence le toit et la portière enfoncés d’une voiture stationnée sur le domaine public (Article paru dans Nice matin le 13 février 2017). Il va sans dire que de telles chutes de palmes peuvent gravement blesser une personne ou un enfant. Je pense notamment aux chutes de palmes de ces derniers mois sur la Promenade des Anglais, qui, sauf erreur de ma part, n’ont heureusement causé aucun accident. Pourtant, ces palmiers étaient tous visiblement malades depuis de nombreuses semaines et n’avaient pas bénéficié de traitements conformes.
 
Cette explosion du charançon est due au fait que certaines communes et certains particuliers n’appliquent pas systématiquement ou que partiellement, voire trop tardivement les traitements obligatoires et que les mesures de lutte ne sont pas assez cohérentes à l’échelle d’un territoire. 
 
Or, dans ce contexte dramatique, il est important de rappeler aux propriétaires qu’ils sont responsables du dommage corporel ou matériel causé à autrui par leurs palmiers infestés par le charançon rouge
 
Il est d’ailleurs de jurisprudence constante, qu’il est sans intérêt de rechercher la cause de la chute d’un arbre, d’un palmier ou de branches pour engager la responsabilité du propriétaire de l’arbre ou du palmier. Il en résulte que la victime n’a pas à faire la preuve d’un défaut d’entretien pour être indemnisé du dommage matériel ou corporel qu’elle a subi par les chutes de palmes ou de palmiers.
 
En ce qui concerne les communes, ces dernières peuvent se décharger de leur responsabilité lorsqu’elles prouvent que le palmier (si considéré comme un ouvrage public) a fait l’objet d’un entretien normal. Afin de déterminer si un palmier a fait l’objet d’un entretien normal, il faut également prendre en considération la législation applicable en matière de lutte contre le charançon rouge, y compris les nombreuses recommandations et circulaires de l’administration sur le sujet. 
 
Concernant l’accident qui a eu lieu sur le domaine public de la ville Le Cannet-Rocheville, et d’après les informations de la victime, le palmier causant l’accident présentait clairement des signes extérieurs de dépérissement avancé au moment de l’accident, sans doute suite à une attaque par le charançon rouge d’après les photos (voir photos ci-jointes du palmier prises le jour de l’accident). Bien évidemment, tout palmier infesté par le charançon rouge, doit obligatoirement être déclaré au SRAL, abattu ou assaini par son propriétaire, et faire immédiatement l’objet d’une sécurisation des lieux dangereux, ce qui n’était probablement pas le cas en l’espèce. Ces signes extérieurs de dépérissement, facilement reconnaissables par un professionnel ou les services des espaces verts des communes dans le cadre de leur obligation de surveillance, rendaient donc ces chutes de palmes prévisibles, voire inévitables. D’ailleurs, le palmier infesté en cause a été étêté par la suite.
 
Malheureusement certaines communes, comme la Ville de Nice, ont fait le choix de ne pas faire bénéficier leurs palmiers d’un entretien normal, en refusant délibérément d’appliquer l’une des 3 stratégies obligatoires prévues par l’arrêté précité ou de ne pas assainir au plus vite les palmiers manifestement infestés, avec toutes les conséquences financières, environnementales et sécuritaires (y compris leur responsabilité civile) qui en découlent.
 
Il ressort d’ailleurs des informations de l’article publié dans Nice Matin, que la ville concernée aurait utilisé un traitement par voie aérienne jusqu’en 2015 (l’accident aurait eu lieu en septembre 2015), traitement inefficace, selon les propres informations de la ville, au-delà de 25 degrés, soit pendant une bonne partie de la période de vol du charançon rouge. Aurait-elle donc, avant de se conformer en 2015 avec la stratégie 3, utilisé le même traitement que la Ville de Nice, soit un traitement non conforme, uniquement avec des nématodes en sursoyant les traitements insecticides obligatoires pendant les mois d’été, exposant ainsi délibérément ses propres palmiers et ceux des autres au danger du charançon rouge.
 
Il va de soi que tout défaut d’entretien avéré, voire délibéré, comme par exemple le non-respect des obligations légales en matière de lutte contre le charançon rouge (obligation de surveillance des palmiers (minimum mensuelle), d'assainissement ou d’abattage dans les 15 jours, de traitements préventifs, ...), non seulement engage la responsabilité civile des communes, mais pourra de surplus engager d’autres responsabilités des communes, notamment pénales. Ces communes récalcitrantes n’ont en effet d'autre choix que d’abattre immédiatement l’ensemble de leurs palmiers pour se conformer à la législation et d’éviter des accidents graves, sans compter le risque de dommages corporels ou matériels causés par les chutes de leurs palmiers que les assureurs éventuels pourraient refuser de payer.
 
Les propriétaires, gardien du palmier, peuvent également exclure leur responsabilité en invoquant la force majeure. Encore faut-il, pour que la force majeure soit retenue, que le propriétaire prouve que l’évènement qui a causé le dommage était  imprévisible et irrésistible. La lutte contre le charançon étant obligatoire depuis l’arrêté ministériel du 10 juillet 2010, ces attaques par le charançon rouge étaient donc sans aucun doute prévisibles et surmontables
 
Les villes avaient par ailleurs été prévenues des risques encourus par la diffusion d’un document émis conjointement par le SRAL et la FREDON dont copie ci-jointe en annexe.
 
Vu qu’il revient à la commune de prouver que ses palmiers ont fait l’objet d’un entretien normal, il paraît évident que des traitements conformesefficaces et collectifs doivent être mis en place en urgence par la Ville de Nice pour  prochain (délai légal) afin d’éviter qu’un éventuel drame se produise suite à une chute de l’un de ses 6000 palmiers, notamment ses dattiers (y compris ceux récemment plantés) dont les chutes sont potentiellement encore plus dangereuses.
 
Les responsabilités liées à ces non-respects restent donc entières!