Sauver les palmiers ? La dernière chance...

Si nous voulons sauver les palmiers des Canaries qui subsistent sur le littoral méditerranéen, il faut que toutes les communes contaminées par le charançon rouge du palmier (CRP) organisent la lutte collective sur leur territoire. Il n’y a plus d’alternative maintenant !

Seule la lutte collective permet de lutter efficacement contre le CRP.

Les 5 piliers de la lutte collective :
    • la détection précoce,
    • le traitement préventif des palmiers asymptomatiques,
    • la destruction des larves de CRP sur les palmiers infestés,
    • le piégeage massif
    • la gestion réactive et le suivi régulier de l’état des palmiers.
   
C’est parfaitement réalisable.....

Il s’agit avant tout d’une question de volonté politique et d’organisation.
Cette méthode a fait l’objet d’une démonstration sur les territoires de la  Communauté d’agglomérations Var Estérel Méditerranée (Cavem) dans l’Est Var et sur une dizaine de communes autour de Vence dans les Alpes-Maritimes (Palmiers06).
Le constat fin 2018 : plus de 3500 propriétaires inscrits et 6300 palmiers traités en 2018.
Le taux d’échecs apparents sur les palmiers traités depuis 2016 et 2017  par la Cavem dans le cadre du plan de lutte collective Arecap est inférieur à 2,6 %.
    • Il s’agit d’un résultat remarquable, qui se confirme sur les deux secteurs.    

Sur le territoire de la Cavem, l'infestation qui était exponentielle depuis 2012 a été stabilisée. Plus de 1000 palmiers ont été préservés.  Les économies réalisées en coût de traitements et en frais d’abattages (1000€ /palmier en moyenne) compensent très largement les coûts organisationnels de la lutte qui s’élèvent à quelques dizaines de milliers d’euros.  La valeur du patrimoine végétal préservé (5000€ /palmier en valeur financière moyenne) est considérable. En 2018, plus de 5200 palmiers ont été traités.

180124 parc de valere

Les 39 palmiers patrimoniaux du parc de Valère à Fréjus préservés depuis 2016 grâce au plan de lutte collective Arecap

 

Ce bilan de l’unique opération de traitement collectif sous gestion d’une collectivité réalisée dans l’hexagone, n’a nullement été pris en compte par l’Anses dans son dernier rapport publié le 19 décembre dernier.
Pire, cette démonstration croisée dans laquelle se sont investis les communes et des milliers de particuliers, ne fait l’objet d’aucune mention dans ce rapport.
Le dispositif de la Cavem est aujourd’hui complété par un réseau de 500 pièges répartis sur le territoire en partenariat avec la Région, la Fredon, Propalmes83, et la société Bergon.

cartographie operation 500pieges cavem

releve piege 900

Opération 500 pièges, les particuliers transmettent par internet le nombre de CRP capturés tous les mois.

 

Les villes de Vence et du Cannet ont également fait le choix de la lutte collective. Opérationnelle depuis le printemps 2017, la plateforme d’inscription Palmiers 06, créée et administrée par  l’association Les Palmiers du Pays Vençois, sur le modèle de celle de la Cavem, permet également l’organisation d’une lutte collective à moindre frais pour les collectivités adhérentes. Elle regroupe aujourd’hui 10 communes et ce sont plus de 1100 palmiers qui ont été traités en 2017 et 2018.

Bilan Palmiers06 VenceA noter qu’avec une participation à son financement de la Région dans le cadre de l’AMI 2018, PalmierSud, structure autonome de forme associative sera en mesure de proposer très prochainement aux collectivités qui le souhaitent, d’externaliser la gestion de leur plan de lutte collective.
Cette alternative répondra à la demande de nombreuses communes avides de solution dans ce dossier.


Pour sauver les palmiers il faut éradiquer le CRP.

Une étude réalisée par Michel Ferry, scientifique dont les compétences sur le traitement des palmiers contre le CRP sont internationalement reconnues, expert de la FAO et président du Collectif méditerranéen pour la sauvegarde des palmiers (CMSP), démontre qu’au-delà d’un seuil de 75% de palmiers traités sur un territoire, on constate une baisse drastique de la population du ravageur, ce qui ouvre la voie à son éradication.
 Il a présenté les résultats de cette étude lors de réunions internationales organisées par la FAO en 2018 à Abu Dhabi et à Bari.

conditions regression CRP MF Bari 2018 p03Sur le territoire de la Cavem, l'infestation qui était exponentielle depuis 2012 a été stabilisée (Michel Ferry)

 

Synthèse :  si l’on étend pas la lutte contre CRP vers un traitement de masse, la bataille ne pourra être gagnée.
 Aujourd’hui en France, et hormis sur les territoires des collectivités qui se sont lancées dans la lutte collective, le taux de pénétration des palmiers traités est largement insuffisant pour espérer résorber une infestation qui continuera à augmenter chaque année de manière exponentielle.
Avec 50 % des palmiers traités, on ne peut que stabiliser l’infestation et il faut alors continuer à traiter pendant des années sans pouvoir éradiquer le CRP et ce jusqu’à la disparition totale des palmiers qui resterait inéluctable.
Si l’on atteint les 75 % des palmiers traités, ce qui est l’objectif de la lutte collective, alors la régression de la population de CRP est très rapide et en 3 ans le nombre de foyers résiduels sera suffisamment faible pour qu’on puisse éradiquer le CRP  avec des traitements biologiques.

conditions regression CRP MF Bari 2018

conditions regression CRP MF Bari 2018 p02

Pourquoi faut-il viser à l’éradication du CRP ?

Parce que c’est un organisme invasif prolifique qui détruit son hôte.
Invasif : originaire de l’Asie du Sud-Est, il a envahi l’Europe grâce au commerce florissant des palmiers importés d’ Égypte vers l’Espagne où il est arrivé à Malaga en 1997. La femelle peut pondre 200 à 300 œufs dans sa courte vie de quelques mois (3 à 4), plusieurs générations peuvent se succéder dans la même année. Ce sont les larves qui se nourrissent du suc contenu dans les fibres des tissus sains qui par leur nombre finissent par détruire le palmier soit parce qu’elles ont atteint le bourgeon terminal, soit parce que les bactéries qui se développent après la mastication des fibres infectent le palmier qui finit par mourir en quelques années. Le CRP est un bon voilier capable de parcourir plusieurs kilomètres en une journée même s’il se contente la plupart du temps de rester à proximité du palmier sur lequel il est né.
Il ne sert donc à rien de traiter certains palmiers dits « patrimoniaux »  - chaque palmier étant bien entendu patrimonial pour son propriétaire - si les autres ne sont pas également traités.
Cela conduit à des dépenses permanentes dans des traitements qui sont incapables de stabiliser la population. Cette stratégie est malheureusement celle qui a été appliquée par de nombreuses communes depuis 2006 ! Elle a conduit à des dépenses considérables et à la perte d’un patrimoine irremplaçable tels les palmiers historiques du Parc Vigier à Nice qui ont été décimés faute d’être correctement traités.


    •  Il nous faut donc passer du « je tente de sauver mon palmier qui ne fonctionne pas » au « nous nous unissons pour atteindre au moins 75% de sujets traités et nous engager ainsi vers l’éradication du CRP ».

Lors de la réunion nationale de concertation  au ministère de l’Agriculture du 11 février 2019, Philippe Reignault directeur du laboratoire de Santé des végétaux à l’Anses en convient : « il ne faut surtout pas arrêter la lutte contre le CRP, bien au contraire ! ….les conclusions du rapport de l’Anses ont été mal interprétées par les médias. »
Sur ce point, et malgré les décisions incompréhensibles voire irresponsables prises par la Commission européenne en application depuis le 1er octobre 2018, la DGAL a affirmé clairement son intention de poursuivre la lutte contre le charançon rouge, dans l’arrêté substitutif à celui du 21 juillet 2010 toujours en vigueur au 30 mars 2019.

Quel en est l’enjeu ?

Aujourd’hui près de 50 % des palmiers Phoenix existants en 2010 ont été détruits par le CRP.
Certaines communes du Sud-Est ont déjà perdu bien plus de 50 % de leur patrimoine de palmiers des Canaries (voir nos articles sur la situation à Nice par exemple) !
Sur la seule zone méditerranéenne et sur une base approximative de 100000 à 150000 palmiers perdus, l’estimation globale des pertes est de l’ordre du milliard d’euros, incluant la valeur financière estimée du patrimoine à hauteur de 1500€/ml de stipe, 1000€ en valeur moyenne de frais d’abattage et d’évacuation,  sans compter les frais de dessouchage, de terrassement et/ou de génie civil.
Ce poids financier a été supporté à 85 % par les seuls propriétaires privés, démunis pour faire face à ce fléau.
Selon nos estimations, il subsisterait environ 150000 à 200000 palmiers qui peuvent être sauvés, sans compter les autres espèces telles que le Washingtonia (très implanté dans les espaces urbains compte tenu de son prix moindre et de sa croissance plus rapide) qui seront elles aussi attaquées après la disparition du Phoenix.
Une étude plus précise sur ce patrimoine emblématique serait nécessaire. Cela fait l’objet de la proposition de résolution 1667 déposée sur le bureau de la commission du Développement durable de l’Assemblée nationale par Bernard Brochand, député des Alpes-Maritimes.

 

Quels traitements ?

Compte tenu du niveau actuel d’infestation, il n’existe aucun traitement biologique qui soit suffisamment efficace.
Les nématodes posent différents problèmes de conservation, et leur efficacité est perturbée par faible hygrométrie ou température élevée, ce qui est le cas de mai à octobre dans la zone méditerranéenne. Il faut répéter les traitements toutes les 3 semaines et des traitements complémentaires avec un insecticide sont nécessaires en été.
Depuis 2018, certaines souches du champignon Beauveria bassiana qui agit par contact avec le ravageur,  ont été autorisées comme insecticide contre le CRP.  Probablement très efficace en laboratoire sur des larves sur lesquelles il est saupoudré dans des coupelles, son utilisation in-situ sur des palmiers adultes, montre rapidement ses limites puisqu’il  ne peut jamais être en contact avec les larves qui se trouvent protégées à l’intérieur des tissus sains dont elles mastiquent les fibres, et ne peut de ce fait,  avoir les vertus curatives qui lui sont attribuées. Son efficacité contre les adultes est très aléatoire en raison de la difficulté à pouvoir l’appliquer correctement aux interstices des palmes et du stipe, là où ils se cachent de la lumière et où les femelles pondent.  Les traitements doivent être répétés plusieurs fois par an et des traitements complémentaires sont nécessaires. Un délai de rentrée de 6h après application rend son utilisation difficile et onéreuse en milieu urbain.


Aujourd’hui, seul le traitement par injection dans le stipe/tronc du palmier d’un insecticide chimique à base d’émamectine benzoate répond aux exigences d’une lutte collective à savoir :
    • un prix acceptable par la plupart des propriétaires (72 €TTC par an)
    • un impact sur l’environnement jugé acceptable selon l’Anses,
    • il ne nécessite aucun délai de rentrée,
    • une rémanence très forte (1 seul traitement par an est nécessaire) ce qui permet de traiter également les palmiers situés dans des résidences secondaires,
    • il ne nécessite aucune contrainte particulière pour sa mise en œuvre (durée du traitement : moins de 5 mn par palmier,  à hauteur d’homme sans qu’il soit besoin d’engins particuliers tels que perches, nacelles, drones, ou autres).
    • il est également efficace contre le papillon Paysandisia archon.

Ces traitements sont bien acceptés par les propriétaires, plus de 3500 sont inscrits aux programmes Arecap et Palmiers06 .

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Perçage des 4 trous avant injection d'émamectine benzoate dans le stipe du palmier

 

La bataille contre le CRP n’a pas encore été conduite en France.

Non la bataille contre le CRP n’est pas perdue car jusqu’à maintenant, elle n’était malheureusement pas engagée en France faute de stratégie et d’organisation coordonnée.
Il dépend uniquement de la volonté de tous les acteurs professionnels, associatifs, propriétaires publics et privés, collectivités territoriales, pouvoirs publics, parlementaires pour qu’elle soit enfin conduite sur l’ensemble du pourtour méditerranéen.
La démonstration Arecap menée par la Cavem depuis 2016 a permis de tester les méthodes, outils et stratégies dans un protocole vraisemblablement améliorable, qui pourrait être utilisé pour éradiquer le charançon mais également d’autres organismes nuisibles invasifs qui ne manqueront pas de se présenter tôt ou tard et de s’attaquer à nos cultures vivrières.
Non la lutte n’a pas encore été engagée, ce qui explique le nombre de palmiers morts qui émaillent nos paysages, et il est de première urgence d’organiser une lutte collective rapide et simultanée, seule structure capable de repousser les ravageurs de palmiers charançons ou papillons, faute de quoi le bassin méditerranéen perdra irrémédiablement ses palmiers.
La victoire est à portée de main comme l’ont démontré les actions Cavem et Palmier06, il suffit de s’en saisir….
Si nous perdons ce patrimoine végétal, ce ne sera ni la faute du CRP, ni celle de la fatalité, mais bien celle de notre incapacité à nous rassembler autour d’un projet collectif de lutte coordonnée.