Arrêté du 25 juin 2019, Propalmes83 écrit au Ministre de l'Agriculture


Objet : dispositions de l’arrêté du 25 juin 2019 incompatibles avec la préservation des palmiers


"Monsieur le Ministre,

Les dégâts sur les palmiers Phoenix canariensis,  cible préférentielle du CRP, sont considérables, ils atteignent aujourd’hui plusieurs centaines de millions d’euros, supportés à plus de 80 % par les propriétaires privés.
Les chiffres publiés par le Sral-Paca en janvier 2018, issus des déclarations volontaires qui lui étaient faites, sont très loin de la réalité. Les professionnels estiment que le nombre de palmiers réellement infestés est au moins 5 fois plus élevé, ce qui conduit à quantifier l’hécatombe à plus de 150 000 palmiers, sur la seule zone méditerranéenne.
Ces chiffres sont impressionnants et sans équivoque sur le résultat des mesures appliquées jusqu’à présent.
La préparation d’un nouvel arrêté sur la lutte contre le CRP avait relancé l’espoir d’une solution pérenne dans ce dossier et c’est avec enthousiasme que nous avions participé à la réunion de concertation  sur le CRP du 11 février dernier dans les locaux de la DGAL à Paris.

Las, contre toute attente et malgré le consensus des participants sur les préconisations issues de notre expérience locale, le nouvel arrêté de lutte obligatoire du 25 juin 2019 ne répond pas à la problématique et en l’état, ne permettra pas de sauver les palmiers,  patrimoine emblématique de la zone Méditerranée.  

    1) Il supprime l’obligation de traitement préventif des palmiers dans les zones contaminées (sauf pour les communes volontaires) ce qui conduira inéluctablement à la disparition des palmiers.
Comment croire que ce qui n’a pas été fait sous obligation, le sera demain sur la base du seul volontariat ?
Paradoxalement, le protocole publié au Bulletin Officiel du ministère le 10 juillet, maintient l’obligation de traitement préventif après assainissement des palmiers infestés. Or ce traitement qui reste obligatoire après assainissement n’aurait pas d’obligation d’être poursuivi si le palmier est situé en zone contaminée, suivant l’arrêté art.7b§2, ce qui est incohérent.  

    2) Il exonère les communes contaminées de leur obligation de traitements préventifs, ce qui crée un grave préjudice pour leurs propres administrés qui font traiter leurs palmiers, mais également pour toutes les collectivités voisines engagées dans des luttes collectives qu’elles continueront à contaminer impunément, la détection d’une infestation étant le plus souvent trop tardive pour empêcher la propagation du charançon.

    3) Il ne prévoit aucune disposition organisationnelle, incitative ou contraignante pour généraliser la lutte collective contre le CRP, seule possibilité de pouvoir l’éradiquer en quelques années, et unique stratégie  envisageable pour sauver durablement les palmiers de l’avis quasi-unanime des spécialistes participant à la réunion du 11 février 2019.


Les experts internationaux de la FAO, spécialistes du traitement des palmiers contre le CRP,  considèrent qu’il sera totalement impossible de le contenir dans les zones infestées et d’empêcher l’extension de la contamination aux zones encore indemnes sans viser son éradication. Le Directeur général de la FAO, déclarait en conclusion de la réunion de Rome en mars 2017 :
"The RPW problem requires all governments to be active participants and pledge their commitment and cooperation to stop its spread and eradicate it in the affected countries."

Enfin, il ne règle pas le problème des professionnels agréés CRP par les Draaf qui ne peuvent donc pas pratiquer librement le traitement par injection parce qu’ils ne sont pas commissionnés par Syngenta. Le nouveau protocole, publié au BO le 10 juillet 2019, les laisse totalement démunis avec comme seule possibilité l’application de traitements biologiques : nématodes et/ou Beauveria bassiana dont l’efficacité pour traiter les grands palmiers n’a jamais été scientifiquement démontrée et dont les résultats des expérimentations au parc Vigier à Nice sont catastrophiques (voir annexe).

Le 1er juillet 2016, nous avions adressé une lettre à Stéphane Le Foll pour solliciter son soutien et lui demander de nous aider à sauver les palmiers en prenant des dispositions qui puissent favoriser l’organisation rapide de luttes collectives. Notre lettre était accompagnée d’une photo décrivant la situation à Vintimille en novembre 2015 et nous l’alertions sur  ce qui pourrait advenir à Nice.
L’état catastrophique du parc Vigier où les palmiers historiques patrimoniaux, plus que centenaires ont été décimés faute de mesures appropriées nous donne malheureusement raison (voir photos en annexe).
Et il ne s’agit en l’occurrence, que d’un exemple parmi des centaines d’autres !

Nous ne comprenons donc pas les motivations qui ont conduit votre ministère à la rédaction de ce nouvel arrêté qui ne tient nullement compte des connaissances et de l’expérience acquise sur le terrain par les collectivités et les associations de propriétaires directement engagées dans des luttes collectives !

Avec des dispositions encore moins contraignantes que celles de l’arrêté de 2010, comment la France pourrait-elle espérer contenir le CRP dans les seules zones contaminées ? Dans toutes les collectivités qui n’ont pas engagé une véritable lutte collective, la population de CRP n’a cessé d’augmenter !
Nombreuses sont celles qui ont perdu plus de 50 % de leur patrimoine palmier.

Les majestueux palmiers des Canaries qui subsistent encore aujourd’hui peuvent être sauvés en luttant collectivement  contre le CRP.
La lutte collective Arecap, la première organisée en France contre le CRP, dont nous sommes les  instigateurs et partenaires, menée par la Cavem sur son territoire, en a fait la démonstration.  Plus de 5200 palmiers publics et privés ont été traités en 2018 et le taux d’échecs apparents constatés en 2018 sur les palmiers traités depuis 2016 et 2017 n’est que de 2,6 %.
La lutte collective a démontré son efficacité et son réalisme économique, alors pourquoi ne pas utiliser un outil qui a fait la preuve de sa pertinence ?

Pourquoi prendre le risque de perdre un patrimoine végétal inestimable qui a embelli notre région et  très largement contribué à son essor touristique alors qu’il est possible de le sauver ?

Pourquoi faire supporter à l’ensemble des propriétaires privés l’inaction, les erreurs et parfois les errements de certaines collectivités ?

A défaut d’une obligation de résultats, le ministère supporte une obligation de moyens et lorsque les mesures préconisées n’apportent pas le correctif nécessaire, il lui revient de prendre les dispositions propres à y remédier.
La version 2019 de l’arrêté de lutte contre CRP, ne corrige pas les défauts de celui de 2010 et ne répond aucunement à la problématique rencontrée par les acteurs de terrain.
En l’état, il ne nous est d’aucun secours…..et sera préjudiciable aux milliers de propriétaires qui suivant les dispositions de l’arrêté de 2010 font traiter préventivement leurs palmiers depuis plusieurs années et qui espéraient une généralisation des luttes collectives pour pouvoir les sauvegarder durablement.

Nous vous demandons de reconsidérer les dispositions de cet arrêté, qui, si l’obligation de traiter préventivement les palmiers en zones contaminées n’est pas rétablie rapidement, conduira inéluctablement à la disparition des palmiers.
Pouvons-nous imaginer une lutte contre les feux de forêt en région méditerranée si le débroussaillage n’était obligatoire que dans les seules collectivités volontaires ? La lutte contre le feu comme celle contre le CRP  n’a de chance de réussir que si elle est menée sur l’ensemble du territoire menacé !

Nous vous demandons également de prendre toute disposition pour que les collectivités s’engagent à préserver le patrimoine végétal qui leur a été confié en permettant à leurs administrés de sauvegarder le leur suivant l’exemple donné par Arecap.

Personne ne sortira vainqueur en combattant isolement le CRP, et si tous les acteurs sur le terrain en sont intimement convaincus, ils attendent de votre ministère, les moyens législatifs indispensables pour s’engager résolument dans une bataille qu’ils savent ne pouvoir gagner seuls et qui tôt ou tard devra être menée contre d’autres organismes nuisibles qui ne manqueront pas de s’attaquer à nos arbres ou nos cultures  ! ....."

le 4 septembre 2019

 

Annexe

151128 Vintimille

 

171210 Nice parc Vigier 800

Nice, parc Vigier décembre 2017
Perte d'un patrimoine botanique inestimable. Les premiers palmiers Phoenix canariensis acclimatés en France vers 1864 par le vicomte Vigier ont été décimés, faute d'un traitement efficace et du non respect de l'arrêté de 2010. La seule perte financière peut-être estimée à près de 700 mille euros.   A noter que ce sont ces palmiers historiques du parc Vigier qui ont servi aux expérimentations  hasardeuses du Beauveria bassiana souche  NPP111.

 

 

Nous avons déjà reçu plusieurs soutiens de parlementaires que nous avions mis en copie de cette lettre, nous ne manquerons pas de vous tenir informés des suites.