Lutte intégrée collective contre le charançon rouge du palmier : résultats ARECAP 2024
- Détails
- Publication : lundi 10 février 2025 16:05
Lutte intégrée collective contre le charançon rouge du palmier : résultats ARECAP à la fin de la campagne de traitements 2024
1) La « Stratégie de la dernière chance ».
2) Les résultats de la campagne de traitement ARECAP constatés à fin 2024.
3) Le prolongement d’ARECAP dans les Alpes maritimes et le Var.
4) Pourquoi est-il indispensable que la lutte intégrée soit collective !
5) Pourquoi faut-il que la lutte collective soit une lutte intégrée ?
6) Combien de palmiers faut-il traiter et avec quels produits ?
7) Comparaison entre les différents traitements préventifs autorisés.
8) Sans lutte collective, les traitements, quels qu’ils soient, sont voués à l’échec.
Note préliminaire importante : le 12 février 2025, au moment de publier cet article nous apprenons que les services du Ministère de l’Agriculture s’apprêteraient à abroger l’arrêté de lutte obligatoire du 25 juin 2019. L’idée serait, si nous l’avons bien comprise, de se débarrasser du problème des palmiers pour le transmettre aux préfets des régions directement concernées par la préservation des palmiers sur leur territoire.
1) La « Stratégie de la dernière chance ».
La lutte intégrée collective ARECAP est fondée sur la « Stratégie de la dernière chance ».
Devant le constat et l’ampleur de l’hécatombe des palmiers Phoenix canariensis patrimoniaux dans la plupart des grandes villes de la côte méditerranéenne en 2015, Michel Ferry, chercheur de l'INRA et directeur de la Station Phoenix de Elche (espagne), avait appelé toutes les collectivités à appliquer une « Stratégie de la dernière chance » présentée lors de la conférence débat du 26 juin 2015 à Hyères, organisée par le CMSP.
C’est après plusieurs années de recherches sur le traitement des palmiers contre le CRP en collaboration avec Susi Gomez de la Station Phoenix, qu’ils avaient pu prouver en 2010 et 2011, l’efficacité de l’injection d’émamectine benzoate pour le traitement préventif des palmiers ce qui a permis à la société Syngenta d’obtenir l’AMM du produit "Revive" en mars 2024. Les avantages incontestables de l’injection leur permettaient enfin d’envisager l’organisation de luttes collectives, en proposant une stratégie réaliste à grande échelle (toute la zone infestée), basée, entre autres, sur des traitements préventifs, accessibles à la majorité des propriétaires de palmiers, très sûrs d’emploi en milieu urbain et autorisés à cette fin par le Ministère de l’Agriculture.
Seules la commune de Fréjus et sa Communauté d’Agglomération (la CAVEM) ont compris qu’il serait impossible de préserver leur patrimoine végétal remarquable sans organiser une lutte collective et ont décidé d’appliquer cette stratégie en lançant l’opération ARECAP dès l’été 2016, après avoir négocié les prix des traitements avec la Société Syngenta, qui détenait un monopole de fait sur le traitement par injection .
Frédéric Ferrero qui était alors, le Directeur du Pôle environnement E3D de la CAVEM, en charge du projet ARECAP qu’il avait présenté lors de la réunion publique organisée conjointement par la Ville de Fréjus, la CAVEM et le CMSP , avait souhaité qu’il puisse servir de démonstration sur la faisabilité et l’efficacité d’une lutte intégrée collective fondée sur la stratégie prônée par Michel Ferry. ARECAP est lancé officiellement lors d'une conférence de presse au théâtre "le Forum" le 22 avril 2016, après négociations des conditions commerciales et techniques avec la Sociéte Syngenta en partenariat avec la FredonPaca et l’association Propalmes83, sous la direction scientifique de Michel Ferry. Les premiers traitements par injection sont réalisés dès le mois de juin 2016 au prix forfaitaire de 72€ TTC par an et par palmier incluant traitement et déplacement.
Malheureusement, en 2015, les autres communes n’ont pas entendu ni compris l’appel de Michel Ferry, alors même qu’il avait reçu le soutien de l’INRA de la FNE et de FREDON ! Les raisons étaient multiples. Certains, même au niveau des instances régionales, considérant que les palmiers n’avaient pas leur place dans notre région ! Mais sans doute aussi l’aveuglement et l’ignorance de ceux qui pensaient pouvoir contenir l’infestation avec des traitements biologiques ou des solutions miracles (chien renifleur, détection sismique, traitements par drones, piégeage massif, hyperfréquences, etc. ), et surtout une vague d’oppositions politiciennes dogmatiques sans aucun fondement scientifique si ce n’est le rejet d’un traitement chimique. Partisans intransigeants du zérophyto, ils ont refusé d'entendre que, premièrement, l'emploi de ce traitement répondait précisément à l'exception prévue par M. J. Labbé, sénateur écologiste à l'origine de la loi qui porte son nom, et, deuxièmement, qu'il était conçu pour un retour au zérophyto après quelques années si la stratégie encadrant son utilisation était adoptée au niveau régional.
2) Les résultats de la campagne de traitement ARECAP constatés à fin 2024
2.1) La faisabilité
Grâce aux équipes sur le terrain de Fabien Walicki en charge du service de Lutte contre les nuisibles à la Communauté d’Agglomération, nous avons pu démontrer sa faisabilité avec plus de 2000 propriétaires impliqués, quelque 6000 palmiers inspectés dont 5300 ont été traités parmi lesquels plus de 3500 palmiers Phoenix canariensis ( 90 % privés) – chiffres donnés en moyenne par an entre 2016 et 2024.
2.2) Son efficacité
Son efficacité est évaluée chaque année en analysant, d’une part les constats de l’état sanitaire des palmiers enregistrés et suivis par les applicateurs et d’autre part, les relevés des captures dans un réseau de plus de 1050 pièges dont 1/3 sont confiés aux propriétaires privés bénévoles.
Les échecs apparents correspondent aux palmiers injectés considérés comme sains en 2023 mais détectés infestés, assainis ou morts en 2024, lorsque cette évolution ne peut-être attribuée à une cause externe au traitement et à condition que les palmiers aient été traités par injection à moins de 13 mois d'intervalle.
Globalement le taux d’échecs apparents moyens constatés, toutes espèces confondues, est de 2,98 % des palmiers injectés en 2023. Il est de 3,73 % pour les palmiers des Canaries (Phoenix canariensis) et de 4 % pour les palmiers dattiers (Phoenix dactylifera). En 2024, les Washingtonia mis à part, pour lesquels le taux d’échecs reste très faible car peu attaqués par le charançon, on constate une augmentation des échecs sur les palmiers dattiers et autres espèces qui, bien que beaucoup moins nombreux seront à surveiller.
Après une très nette décroissance des captures de CRP entre 2018 et 2020 on constate une stabilisation qui pourrait être liée à la présence de foyers résiduels qu’il faudrait éliminer.
Pour réduire ces foyers résiduels, il faut :
1) que les propriétaires de palmiers surveillent très attentivement et très régulièrement (au moins une fois par mois) l'état sanitaire de leurs palmiers pour pouvoir détecter une infestation éventuelle. En cas de doute ou de suspicion il faut demander l'avis d'un professionnel agréé par la Draaf et si nécessaire les faire assainir très rapidement pour éviter la dissémination des charançons dans l'environnement (à noter que tous les professionnels agréés par la Draaf pour lutter contre le CRP peuvent conseiller ou pratiquer un assainissement, un étêtage, voire l'abattage d'un palmier qu'il serait impossible de sauver (subclaquant ou mort) sans être obligés de passer par un applicateur ARECAP). Par contre, afin de pouvoir suivre l'état des palmiers traités, il est important d'en informer le service LCN qui regroupe et analyse l'ensemble des données permettant, en collaboration avec CMSP/Propalmes 83, d’évaluer l’évolution de la situation et les résultats de la lutte collective.
2) que les propriétaires de palmiers continuent à faire traiter préventivement leurs palmiers avec les produits autorisés. On constate plusieurs cas où certains s'arrêtent ou abandonnent (volontairement ou involontairement) le traitement par injection puis le reprennent ensuite quelques fois. Le manque de constance dans la surveillance et le suivi des traitements des palmiers est une aubaine pour le charançon et retarde aussi son éradication du territoire ;
3) que les communes limitrophes s'engagent très rapidement dans la même démarche de lutte collective pour arriver à une réduction pérenne de la population de CRP sur l’ensemble de la Région.
Le taux de mortalité constaté sur les palmiers traités est nettement plus faible que le taux d’échecs apparents puisque de nombreux palmiers infestés seront assainis puis traités et les palmiers qui ont été assainis seront traités préventivement. Il est de 1,5 % en moyenne par an depuis 2016 suivant les constats des applicateurs et de 1,7 % en 2024. Cependant ce taux n'est pas significatif sans explications détaillées complémentaires pour chacun des cas, car de nombreux paramètres peuvent intervenir.
Le mieux pour se convaincre de l'efficacité du traitement est de constater la situation sur place : voir les photos ci dessous qui ont été prises sur plusieurs sites de Fréjus avec des alignements de palmiers des Canaries :
-Photo 02: l’alignement des 38 palmiers des Canaries, patrimoniaux et majestueux de la Résidence du Parc de Valère, traités depuis 2016 et toujours présents aujourd’hui (alors que la résidence en avait perdu 5 en 2015 malgré des traitements aux nématodes -Photo 01).
Photo 01 - Alignement des palmiers patrimoniaux de la résidence du Parc de Valère, assainis en 2016 et traités par injection dans le cadre d'ARECAP- Photo CMSP-DC - le 27 juin 2016
Photo 02 - Alignement des Phoenix canariensis patrimoniaux de la résidence du Parc de Valère, traités depuis 2016 - Photo CMSP-DC - le 27 mars 2024
- photo 03 : les palmiers des Canaries qui bordent la promenade le long du canal de Port-Fréjus II, traités par injection, dans le cadre d'ARECAP ...
Photo 03 - Palmiers des Canaries en bordure de la promenade le long du canal de Port-Fréjus II, suivis et traités depuis 2016 - Photo CMSP-DC - le 7 mai 2024
- photo 04 : ou les palmiers des Canaries qui bordent les boulevards d'Alger et de la Libération sur le front de mer ...
Photo 04 - Palmiers des Canaries sur le front de mer à Fréjus, traités avec ARECAP depuis 2016 - Photo Google Earth Street View de mars 2023.
Si nous comparons la situation des palmiers de la résidence du Parc de Valère en mars 2024 (photo 02)
- à (photo 06) celle des palmiers patrimoniaux du Parc Vigier à Nice (tout à fait comparables au niveau patrimonial) qui avaient été traités au
Beauveria et nématodes en 2017 et qui ont été décimés et remplacés, pour la plupart, à partir de 2018 par d’autres espèces d’arbres,...
Photo 05 - Vue du Parc Vigier depuis le boulevard Pilatte – Photo Google Earth Street View en septembre 2016
Photo 06 - Vue du Parc Vigier depuis le boulevard Pilatte– Photo CMSP/DC 10 décembre 2017
- ou à celle (photo 08) de la célèbre et magnifique « place des palmiers » à Ajaccio qui à défaut reprendra sans doute le nom un peu plus glorieux de Place du Maréchal Foch après l'abattage et le remplacement des palmiers des Canaries :
Photo 07 - La Place des Palmiers (Place du Maréchal Foch) à Ajaccio à l’époque de sa splendeur Photo Google Earth en octobre 2008
.
Photo 08 - La Place du Maréchal Foch à Ajaccio après abattage et remplacement des palmiers Photo Google Earth en juin 2024.
car faute de ne pas avoir organisé une lutte intégrée collective, Ajaccio, était, elle aussi, dans l’incapacité de sauvegarder son patrimoine exceptionnel malgré des dépenses considérables pour des traitements mal utilisés (par exemple le recours à des traitements par injection de palmiers visiblement infestés!) et qui se sont bien sûr avérés inefficaces (le CMSP en avait averti la municipalité et proposé bénévolement son soutien technique).
Les superbes Phoenix canariensis emblématiques ont été, là aussi, coupés et remplacés par des arbres ou des espèces différentes grâce aux deniers publics (290000euros !! qui s'ajoutent à la perte d'un patrimoine végétal exceptionnel inestimable ! ) voir les articles parus dans Corse Matin ci-après :
« La place des Palmiers à Ajaccio est en train de perdre ses arbres » du 31 décembre 2020
« Ajaccio : le combat - perdu ? - contre le charançon rouge continue » du 26 octobre 2021
« La place dite "des Palmiers" à Ajaccio va changer d'arbres et de visage » du 8 décembre 2022
ou « Ajaccio : vers un nouveau visage pour la place des palmiers ! » le 16 novembre 2023 ;
- ou plus récemment encore à Perpignan (photo 09) : l’article paru sur l’Indépendant le 17 février 2025 « C’est fini ! Les palmiers de la place Arago à Perpignan ont été abattus » :
Photo 09 - Place Arago à Perpignan – Photo Google Earth Street View août 2012
Comment ces collectivités ont-elles pu être aussi mal conseillées pour en arriver à perdre un tel patrimoine ! Alors qu’il était possible de le sauver en appliquant la Stratégie de la dernière chance ?
Les responsabilités sont multiples et à rechercher à tous niveaux ! Voir nos articles : «Les palmiers perdus : histoire d'une faillite des autorités phytosanitaires européennes » publié le 14 octobre 2017 ou « L'Anses veut-elle lutter contre la disparition des palmiers sur l'arc méditerranéen ? » publié le 23 décembre 2018...
Elles ont non seulement laissé perdre un patrimoine végétal exceptionnel dont elles avaient la responsabilité alors qu’il était possible de le sauver en luttant pour éradiquer le charançon rouge du palmier, mais elles ont contribué à sa dispersion dans l’environnement et au développement de sa population dans notre région au détriment des actions menées par les collectivités engagées dans une lutte collective.
...nous avons donc effectivement quelques raisons d’être plutôt satisfaits du résultat obtenu par ARECAP après 9 ans de lutte. Mais conscients aussi que ce résultat n’est pas définitif et évoluera dans une large mesure en fonction de l’engagement des communes limitrophes dans une même démarche de lutte collective pour arriver à une réduction pérenne de la population de CRP sur l’ensemble de la Région. Un espoir qui pourrait être menacé si le Ministère décidait d’abroger l’arrêté de lutte obligatoire du 25 juin 2019 ce qui serait absurde et impardonnable par tous les particuliers et les municipalités qui luttent depuis des années pour préserver leurs palmiers.Tous leurs efforts seraient réduits à zéro. Pour éviter un tel désastre, il serait sans doute souhaitable que l’ensemble des communes concernées manifestent leurs préoccupations aux autorités régionales.
3) Le prolongement d’ARECAP dans les Alpes maritimes et le Var.
En 2017 l’association Les Palmiers du Pays Vençois (également membre du CMSP), bénéficiant de l’expérience acquise par ARECAP a lancé une opération similaire sur Vence, qui a abouti à la création de l‘association PalmierSud, laquelle, malgré la période difficile de l’épidémie de COVID19, a réussi à rassembler et motiver 14 autres communes des Alpes Maritimes et du Var à s’engager dans la lutte collective approuvée par arrêté ministériel du 4 juillet 2023. En 2024, 3 autres communes ont rejoint la lutte collective portant à 22 le nombre de communes engagées par l’arrêté modificatif du 22 juillet 2024. Depuis l'arrêté du 1er août 2024, la liste des communes figurent à l'annexe de l'arrêté du 25 juin 2019.
Alpes-Maritimes : Beaulieu-sur-Mer, Biot, Cannes, Grasse, La Colle-sur-Loup, Le Cannet, Mougins, Opio, Roquefort-les-Pins, Saint-Jeannet, Saint-Paul-de-Vence, Théoule-sur-Mer, Tourettes-sur-Loup, Vallauris, Villeneuve-Loubet
Var : Bormes-les-Mimosas, Fréjus, La Londe-les-Maures, Les Adrets de l'Estérel, Puget-sur-Argens, Roquebrune-sur-Argens, Saint-Raphaël
4) Pourquoi est-il indispensable que la lutte intégrée soit collective !
Le charançon rouge est un ravageur très prolifique (200 à 300oeufs par femelle dont la durée de vie est de 2 à 4 mois), il se reproduit donc très rapidement, plusieurs générations de larves peuvent coexister dans un même palmier qu’elles finissent par tuer en 2 à 3 ans s’il n’est pas traité correctement. Bien que plutôt sédentaire par nature, il n’hésitera pas à se déplacer sur quelques centaines de mètres voire de kilomètres pour trouver un palmier et pouvoir s’y reproduire. La stratégie de lutte à mener est donc de même nature que celle qui serait nécessaire pour arrêter la propagation d’un virus.
Vouloir sauver les palmiers publics sans lutte collective intégrée, c’est donc vouloir enrayer une épidémie et préserver toute une population en ne soignant que le personnel municipal !
Il ne sert à rien de faire des dépenses publiques conséquentes, comme c’est actuellement le cas dans de nombreuses collectivités, depuis plus de 10 ans, pour tenter de préserver les seuls palmiers publics si les palmiers privés environnant ne sont pas traités. Laissés à l’abandon quand ils sont infestés, ce qui est encore trop souvent le cas aujourd’hui, y compris pour de nombreux palmiers publics, ce sont des foyers de dissémination qui contribuent au développement de la population de charançons.
5) Pourquoi faut-il que la lutte collective soit une lutte intégrée ?
La lutte intégrée contre les ravageurs (Integrated Pest Management ou IPM) est une stratégie de protection des plantes officiellement soutenue au niveau mondial (*) qui préconise une approche systémique avec une priorité pour des solutions autres que chimiques (en particulier la lutte biologique), visant une réduction des pesticides et l'interdiction des plus dangereux. Dans de nombreux pays il a été décidé d'interdire l'utilisation de tout produit phytosanitaire chimique dans un certain nombre de cas comme, par exemple, en France pour le traitement dans les espaces verts publics et privés (Loi 2014-110 du 6 février 2014 dite loi Labbé, modifiée). Néanmoins, cette interdiction fait l'objet d'une exception dans le cas de la lutte visant la destruction et la prévention de la propagation des organismes nuisibles réglementés en raison de la gravité qu'ils représentent (Article 1 modifié de la loi Labbé repris dans l’article 14.4-I de l’arrêté du 15 janvier 2021 applicable au 1er juillet 2022 ). C'est le cas pour le CRP dont la lutte reste obligatoire (art.1 de l’arrêté du 25 juin 2019) avec l'obligation de traitements préventifs biologiques ou chimiques autorisés pour la partie non méditerranéenne et pour cette dernière l'obligation de ces traitements dans les municipalités engagées dans une lutte collective approuvée par arrêté ministériel.
(*) Au niveau européen: la Directive 2009/128/CE du Parlement Européen et du conseil du 21 octobre 2009 instaure un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatibles avec le développement durable.
Elle est transposée en droit français par l’Ordonnance nº 2011-840 du 15 juillet 2011. relative à la mise sur le marché et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques.
Appliquée au traitement des palmiers, il s’agit de :
- respecter les bonnes pratiques culturales : ne pas couper de palmes vertes inutilement surtout pendant leur période de vol (ce qui est pourtant trop souvent le cas , uniquement pour des considérations esthétiques contestables) ;
- surveiller ses palmiers régulièrement, en cas de suspicion faire intervenir un professionnel agréé (des symptômes d'infestation typiques sont assez facilement détectables au niveau du feuillage - voir notre article « Charançon rouge : surveillance et traitements préventifs des palmiers ! » publié le 4 juin 2020 et qui vous aidera à reconnaître les signes d’une infestation.
Attention ! un palmier peut être mort "biologiquement" et conserver des palmes vertes sur ses couronnes basses pendant plusieurs mois, voire 1 ou 2 ans. Tant qu'il reste des tissus sains, il restera des larves qui se transformeront en charançons ! Ce sont de véritables foyers de dissémination s'ils ne sont pas assainis mécaniquement et traités très rapidement.
- faire assainir un palmier infesté ce qui permet de le sauver dans bien des cas lorsque l'infestation est détectée de manière précoce (voir le paragraphe 3 §3 de notre article «Traitements des palmiers contre le charançon rouge » mis à jour le 26 janvier 2023) et, dans le cas contraire le faire étêter ou abattre dans les 15 jours conformément au protocole DGAL - IT-2019-531 du 10 juillet 2019, ceci afin d’éviter la dissémination du CRP dans l’environnement et la contamination d’autres palmiers . C'est absolument fondamental pour éviter la création de nouveaux foyers de dispersion massive du ravageur qui compromettent la réussite des efforts entrepris par ailleurs ;
- lorsque le palmier est sain le faire traiter préventivement pour le préserver d’une attaque (3 §2 de l’article Traitements des palmiers contre le charançon rouge -voir lien ci-dessus) ;
- participer au dispositif de piégeage, chaque fois que c’est possible pour mesurer l’évolution de la population et réduire la population de charançons (voir notre article « Le piégeage de lutte contre le charançon rouge des palmiers (CRP) est autorisé sans AMM » publié le 22 novembre 2020).
- respecter le protocole concernant le traitement des déchets de palmiers infestés et leur évacuation afin d'éviter la dissémination des larves résiduelles.
6) Combien de palmiers faut-il traiter et avec quels produits ?
Aujourd’hui encore les palmiers les plus ciblés par les CRP sur le territoire national restent les Phoenix canariensis. Michel Ferry a démontré (conférence FAO de Bari 25 octobre 2018) qu’il suffirait que 75 % de ces palmiers présents sur une zone géographique isolée, soient traités préventivement pendant au moins 3 ans avec un produit suffisamment efficace, pour réduire drastiquement leur population sur cette zone ce qui permettrait, ensuite de l’éradiquer en traitant les foyers résiduels avec des produits biologiques.
La principale difficulté pour tous les propriétaires qu’ils soient publics ou privés ce sont les traitements préventifs. Le nombre des traitements annuels, les contraintes pour leur application, leur impact sur l’environnement, leur efficacité, leur coût sont des facteurs déterminants pour l’adhésion des propriétaires privés qui est indispensable.
7) Comparaison entre les différents traitements préventifs autorisés.
Les seuls produits phytosanitaires utilisables à ce jour, pour lutter contre le charançon rouge du palmier sont spécifiés par la note DRAAF/ SRAL du 18 jullet 2023 à savoir : les nématodes ,les Beauveria bassiana souches 111 et 147 qui sont des produits de biocontrôle et le Revive2 (Syngenta) à base d’émamectine benzoate qui est un produit d’origine chimique.
Dans l’état actuel de la législation : arrêté du 25 juin 2019 (lutte obligatoire contre le CRP ) et arrêté du 15 janvier 2021 applicable au 1er juillet 2022 faisant suite à la loi Labbé modifiée, si les traitements d’origine biologique sont autorisés sur tout le territoire national, les traitements préventifs chimiques ne sont autorisés par exception (art 14.4 -1) que dans le cas de la lutte visant la destruction et la prévention de la propagation des organismes nuisibles réglementés en raison de la gravité qu'ils représentent, dans les zones contaminées du pourtour méditerranéen et dans les communes dont la liste est publiée dans l’annexe de l’arrêté du 25 juin 2019, après approbation de leur plan de lutte, conforme aux exigences de l’article 7b de cet arrêté, préalablement déclaré au SRAL et validé par le CROPSAV.
7.1) Les traitements bio.
Les nématodes et le Beauveria ont une efficacité « variable », insuffisante en présence d’une population importante de charançons (ce qui est encore malheureusement le cas pour la plupart des communes de la Région Sud) avec des contraintes climatiques à respecter pour leur stockage et leur application. Mais aussi parce qu’ils nécessitent des traitements fréquents, au moins tous les mois (21 jours recommandés) ce qui exclut pratiquement les palmiers situés dans des résidences secondaires. Leur application sur les palmiers de plus de 2m de stipe est problématique et difficile, nécessitant des outils adaptés et /ou l’utilisation de nacelles ce qui surenchérit considérablement leur coût qui devient dissuasif pour des propriétaires privés. Les contraintes imposées pour le respect de l’environnement concernant les Beauveria, dont principalement le délai de rentrée de 6h, et l’application de la tombée de la nuit à l’aube, les rendent inadaptés pour une lutte collective.
De 2010 à 2015, en absence de produits plus efficaces, plusieurs communes avaient déjà fait l’expérience des traitements avec des nématodes pour éviter d’utiliser l’Imidaclopride pendant la saison touristique mais de nombreuses pertes avaient été constatées compte tenu des contraintes imposées .
Photo DC – 2015 Palmiers infestés à Fréjus malgré des traitements avec des nématodes.
A Nice les expériences menées avec des traitements mixtes nématodes et Beauveria bassiana souche 111 se sont soldées par la perte des Phoenix canariensis patrimoniaux des parcs Vigier (photo 06) et du Castel des deux rois (voir notre article « Beauveria : produit miracle ou poudre aux yeux ? » publié le 2 mai 2018 .
7.2) Le seul traitement chimique autorisé.
L’injection de Revive2 de la société Syngenta, est actuellement le seul traitement préventif chimique autorisé sur les palmiers sains ou assainis dans le cadre d’une lutte collective validée.
Même si ce n’est pas un vaccin, le traitement par injection d’émamectine benzoate dans le stipe du palmier, agit comme un vaccin dans la mesure où il est transporté par la sève montante du palmier et se répand donc dans tous les tissus sains dont se nourrissent exclusivement les larves. La dose de matière active a été déterminée afin que sa concentration reste suffisante pendant 12 mois pour tuer au moins les larves néonatales. Il a donc de ce fait un effet préventif puisqu'il évite que le palmier soit infesté. Se faisant, il met fin à la reproduction du ravageur ce qui conduit à sa régression et, à terme, à sa disparition.
'Son efficacité, sa facilité d’application, le fait qu’une seule application par an soit nécessaire (ce qui rend possible le traitement des palmiers des résidences secondaires), et son coût (80,4€ TTC/an/palmier en 2024) en font, de très loin, le traitement le plus acceptable financièrement par les propriétaires privés et le mieux adapté à la lutte collective avec un impact acceptable pour l’environnement pour traiter les palmiers Phoenix, cibles privilégiées par les charançons.
Le produit insecticide, injecté à hauteur d’homme, reste confiné à l’intérieur du stipe sans aucun contact avec l’extérieur ce qui permet son utilisation, y compris en milieu urbain sans risque pour la population. Son emploi est d'ailleurs autorisé sans délai de rentrée.
8) Sans lutte collective, les traitements, quels qu’ils soient, sont voués à l’échec.
L’hécatombe des palmiers à Nice, Ajaccio et dans bien d’autres villes de la Côte méditerranéenne démontre que sans lutte collective, les traitements, quels qu’ils soient, sont voués à l’échec.
! Hyères les Palmiers déjà très touchée pourra-t’elle garder son nom encore longtemps ?
La situation est catastrophique ou s'aggrave dans la majorité des municipalités de la côte méditerranéen et gagne maintenant la côte Atlantique
Très récemment, s'est posée la question de savoir si tous les palmiers étaient condamnés à Perpignan et dans les Pyrénées-Orientales ? Des palmiers infestés par le CRP ont été déclarés l'année dernière dans les Landes et le Morbihan et en 2023 en Charente-Maritime.
Il est important de faire savoir que plusieurs communes n’ont pas baissé les bras et obtiennent des résultats très significatifs. Afin de redonner espoir à celles qui se battent encore pour sauver leurs palmiers et les inciter à organiser rapidement une lutte collective sur leur territoire pour arrêter la propagation du charançon et le détruire.
Voir l’article publié sur france 3 Provence Alpes Côte d’Azur / Cannes
Voir aussi notre article « Lutte collective intégrée, seule stratégie possible contre le charançon rouge ! » publié le11 juillet 2024