Lettre ouverte à Monsieur Stéphane Le Foll, Ministre de l'agriculture

de l'agroalimentaire et de la forêt

Hôtel de Villeroy 78 rue de Varenne

75007 PARIS

Objet : modification de l'arrêté du 21 juillet 2010 pour arrêter l'hécatombe des palmiers.


Monsieur le Ministre,

nous voudrions attirer votre attention sur l'hécatombe des palmiers dans nos communes du littoral méditerranéen provoquée par les ravageurs de palmiers et principalement par le Rynchophorus ferrugineus appelé communément charançon rouge du palmier ou CRP. Les dégâts sont aujourd'hui considérables (voir annexe1). Sur les deux années 2014 et 2015 nous pouvons estimer à 20 % le pourcentage de Phoenix canariensis détruits par ce ravageur sur le seul territoire de notre Communauté d'Agglomération Var Estérel Méditerranée (CAVEM). En valeur financière pour les propriétaires publics et privés cela représente une perte de plus de 2 millions d'euros alors que moins de 10 millions d'euros seraient nécessaires pour traiter préventivement les 100 000 palmiers Phoenix patrimoniaux qui, dit-on, restent à sauver sur l'ensemble du littoral de la région PACA! En valeur patrimoniale, la perte subie est inestimable car de nombreux palmiers centenaires ont déjà été détruits.
Le palmier et en particulier le Phoenix canariensis qui a été introduit dans les années 1850 a très largement contribué au développement économique de notre région par son attrait pour les touristes et les investisseurs. Il est devenu un emblème de nos paysages méditerranéens et un élément esthétique structurant de nos espaces verts et de nos jardins.C'est un patrimoine commun que nous devons préserver.

 

Une lutte obligatoire mais sans moyens et sans contrôles

Le charançon rouge a été déclaré de lutte obligatoire sur le territoire par l'arrêté pris par votre ministère le 21 juillet 2010. Ce qui était parfaitement justifié. Malheureusement depuis cette date, et jusqu'en 2014 les traitements proposés sont hors de portée de la plupart des propriétaires de palmiers. La loi est inappliquée que ce soit par les collectivités ou les particuliers. L'absence de contrôles ou de moyens pour la faire respecter induisent un comportement irresponsable de nombreux propriétaires publics ou privés qui laissent pendant des mois, leurs palmiers infestés se transformer en foyers explosifs de multiplication puis de dispersion des charançons, rendant tout à fait vaine la lutte obligatoire. Les pénalités prévues par le code rural et la lourdeur des procédures à engager sont totalement inadaptées à une situation où il faudrait agir très vite et prendre des dispositions de sauvegarde. En conséquence, la loi est ouvertement bafouée. La capacité de déplacement des ravageurs qui dépasse très largement les 100m, pris comme référence pour délimiter les zones contaminées, des traitements contraignants et coûteux, l'absence d'une stratégie de lutte collective, tout explique que la population de charançons comme le nombre de palmiers tués, au lieu de régresser n'ont fait que continuer à croître de manière exponentielle.
Or depuis son AMM en mars 2014 un produit : le « Revive » de Syngenta, permet de lutter efficacement contre lesravageurs, avec un impact « acceptable » sur l'environnement selon l'ANSES. Il est utilisé pour l'endothérapie suivant la stratégie n°3 de l'arrêté. C'est actuellement le seul produit à base de benzoate d'émamectine qui soit autorisé, mais qui malheureusement n'est pas accessible à l'ensemble des professionnels agréés par vos services ce qui empêche l'organisation de la lutte sur une base collective. Rappelons que dans la conclusion de son avis du 26 février 2016, en réponse à la saisine 215-SA-0198, l'ANSES retient la stratégie n°3 pour la lutte contre le charançon rouge du palmier.

 

Organiser des luttes collectives coordonnées entre propriétaires publics et privés

Pour lutter efficacement contre le charançon, à moins de couper les palmiers, comme cela est proposé scandaleusement par certain scientifique lors de la réunion du COPIL organisé par la DRAAF-PACA le 10 mars 2016, la seule stratégie possible est une stratégie de lutte collective coordonnée entre les propriétaires publics et privés pour que le plus grand nombre de palmiers d'une même zone géographique soient traités le plus rapidement possible. C'est la raison pour laquelle notre association, avec l’appui de l’INRA, a été l'instigatrice du plan d'action ARECAP lancé par la CAVEM sur son territoire le 22 avril dernier. Ce plan d’action repose sur la stratégie d’éradication élaborée par l’INRA et appuyé par la FREDON et FNE.
La lutte doit pouvoir s'appuyer sur les traitements prévus par les 3 stratégies décrites dans l'annexe de l'arrêté du 21juillet 2010, le choix de l'une ou l'autre stratégie pouvant être laissé au libre arbitre du propriétaire.
Par contre, il est indispensable que tous les professionnels, qui ont fait l'effort de suivre les formations pour être habilités Certiphyto et CRP par les DRAAF, soient en mesure d'appliquer l'une ou l'autre de ces 3 stratégies afin de pouvoir répondre à la demande de leurs clients. En particulier, ils doivent être en mesure d'appliquer la stratégie n°3 retenue par l'ANSES pour les traitements à mettre en oeuvre dans le cadre de la lutte contre le charançon rouge.
Malheureusement ce n'est pas le cas aujourd'hui ! Cela en retarde l'organisation et empêchera toute généralisation. Seuls quelques professionnels privilégiés sont commissionnés par Syngenta, propriétaire du « Revive », sur des critères inconnus (1 seul sur l'ensemble du territoire de la CAVEM au 1er trimestre 2016). Les « applicateurs » sélectionnés par Syngenta sont ainsi, protégés de toute concurrence. Tous les autres professionnels, qui constituent la majorité, se trouvent donc, de ce fait, non seulement écartés du marché de la stratégie n°3 mais également des marchés induits qui concernent les assainissements et les abattages qui représentent un chiffre d'affaires sans doute plus important encore. Ceci est tout à fait inéquitable pour les professionnels et préjudiciable pour les propriétaires consommateurs qui n'ont aucune possibilité de faire jouer la concurrence pour faire baisser les prix des traitements. Une situation totalement inacceptable, vous en conviendrez, dans le cadre d'une lutte obligatoire.

 

La lutte au « coup par coup » : des propriétaires de palmiers abusés ou trompés

Dans l'état actuel de sa rédaction, la stratégie n°3 peut être proposée en dehors du cadre d'une lutte collective. Les propriétaires qui acceptent l'offre faite par les applicateurs de Syngenta d'un traitement « au coup par coup », ne sont pas avertis que la technique d'endothérapie n'est pas anodine et qu'elle ne peut être pratiquée, selon les experts (dont ceux de votre ministère), plus de 2 ou 3 ans sans engendrer des problèmes de sécurité liés aux risques de chute des palmiers qui sont fragilisés.
Cette omission, s'apparente à une tromperie des propriétaires consommateurs. Le fait de ne pas les prévenir peut les induire gravement en erreur. Après trois années de traitement, s’ils les poursuivent, ils prennent une lourde responsabilité en cas de chute. S’ils les arrêtent, leurs palmiers seront ré-infestés si une lutte collective n'a pas été engagée pour supprimer ou du moins faire baisser considérablement le risque d'une nouvelle attaque de charançons. Nous estimons qu'il est de la responsabilité de Syngenta et de ses applicateurs en tant que professionnels et au titre de leur devoir de conseil, d'informer et d'alerter les propriétaires du risque encouru, ce qu'ils ne font pas aujourd'hui. Par comparaison, Syngenta agit comme un laboratoire pharmaceutique qui ne préciserait pas les contre-indications graves de l’usage d’un médicament. Il nous semble que votre Ministère qui a pris la responsabilité d’autoriser la mise sur lemarché du Revive se doit d’intervenir auprès de Syngenta sur cette question.

 

Modifications nécessaires de l'arrêté du 21 juillet 2010 ( voir détails en annexe 2)

- Pour adapter les nombres de traitements des stratégies n°1 et 2 aux possibilités calendaires.
- Pour permettre de traiter en juillet et août avec les stratégies n°2 et 3 qui sont des périodes de vols et de pontes particulièrement intenses dans les régions du Sud aussi bien pour le charançon rouge que pour le papillon PA. Il est incompréhensible que les traitements par insecticides chimiques soient autorisés pendant cette période avec la stratégien°1 et qu'ils ne le soient pas avec les stratégies n°2 et 3.
- Pour que les traitements par endothérapie suivant la stratégie n°3 puissent se faire, si nécessaire, toute l'année dans le cadre de luttes collectives organisées et agréés afin de ne pas interrompre les chantiers de traitement. Il est à noter que Michel Ferry, chercheur à l'INRA, et expert internationalement reconnu pour le traitement des palmiers, et en qui nous avons toute confiance, compte tenu de son expertise acquise sur le terrain, estime que les palmiers devraient pouvoir être traités par endothérapie à base de « Revive » toute l'année, y compris en hiver, mais de préférence au printemps.
- Pour que la méthode utilisée pour les traitements soit strictement conforme (ce qui n'est pas le cas actuellement) à celle préconisée par Michel Ferry et qui lui a permis d'obtenir les résultats expérimentaux, fournis par Syngenta à vos services pour l'instruction de l'AMM du produit.
- Pour que le recours à la stratégie 3 ne soit autorisé que dans le cadre de plans collectifs de traitement pendant une durée limitée à quelques années.

 

Votre soutien et l'action urgente de votre ministère sont indispensables pour sauver les palmiers.

Ces raisons nous conduisent à vous demander de prendre en urgence des décisions pour :

1) que la stratégie n°3 soit strictement réservée aux traitements effectués dans le cadre de luttes collectives organisées et agrées par les DRAAF et limités dans le temps à 2 ou 3 ans maximum (l'INRA, la FREDON et France Nature Environnement considèrent que seule une lutte collective organisée et limitée dans le temps peut permettre de faire régresser rapidement la population de charançon et mettre fin à l'hécatombe);

2) que tous les professionnels agréés Certiphyto et CRP par les DRAAF soient en mesure d'appliquer les 3 stratégies , si nécessaire après une formation complémentaire à l'endothérapie, sous contrôle de vos services, pour la stratégie n°3 ;

3) que l'arrêté du 21 juillet 2010 soit modifié tel qu'il a été proposé par Michel Ferry et approuvé par la FREDON dans le document en annexe 2, que les anomalies signalées ci-dessus soient également corrigées ;

4) que des études soient menées rapidement pour trouver des solutions ou des produits alternatifs mieux adaptées ou moins coûteux qui soient disponibles et accessibles à tous les professionnels agréés sous le contrôle de vos services.

Des milliers de palmiers, publics ou privés, meurent chaque jour sur le littoral méditerranéen, par manque d'une réelle stratégie de lutte collective organisée sur tout le littoral  méditerranéen et transfrontalière impliquant les propriétaires publics et privés.
Si les touristes peuvent encore se promener, dans les villes du littoral français, sans trop se rendre compte des dégâts déjà causés, c'est parce que les communes, à coup de deniers publics, tentent tant bien que mal d'en effacer les traces. Ce ne sera plus possible d'ici peu ! Ce n'est déjà plus vraiment le cas à Hyères, Menton, Antibes et dans tant d’autres villes où les magnifiques parcs et le front de mer sont déjà sérieusement défigurés. Si rien n’est fait rapidement pour mettre fin à l’hécatombe, la promenade des anglais, dejà touchée et tous nos bords de mer seront bordés des stipes squelettiques des palmiers morts, scalpés et « totemisés » . Le patrimoine emblématique de la Côte d’Azur aura définitivement disparu alors qu’il est tout à fait possible d’éviter ce désastre.
Il est urgent, Monsieur le Ministre, de prendre des dispositions qui puissent nous aider à empêcher cette catastrophe environnementale. Il faut faire vite, très vite maintenant. Demain c'est l'économie touristique de la région qui pourrait en souffrir et vous porterez alors cette terrible responsabilité car depuis 2010 aucune action d'envergure n'a encore été vraiment tentée pour sauver les palmiers.  La seule tentative entreprise à ce jour, est le plan d'action ARECAP de la CAVEM qui se heurte aussi aux problèmes pour lesquels nous sollicitons votre intervention.

Nous sommes à la disposition de vos services pour les rencontrer, leur exposer la situation et leur expliquer nos difficultés, si besoin était de leur apporter les compléments d'information nécessaires. Nous restons confiants dans votre compréhension de l'urgence de la situation et dans le soutien que vous ne manquerez pas de nous apporter en prenant les mesures qui s'imposent maintenant. Nous communiquerons avec plaisir votre réponse aux membres de notre association, à ceux du Collectif méditerranéen pour la sauvegarde des palmiers, ainsi qu'aux médias locaux pour que tous les propriétaires de palmiers de la région en soient informés.
Je vous remercie pour votre bienveillante attention et vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma très haute considération.

Claude VERGNES, président

Affaire suivie par Daniel Chabernaud, vice-président

PROPALMES83

siège social : 257 allée des Pinsons Tour de Mare 83600 Fréjus
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http://propalmes83.com

Copies :

Madame la Ministre de l'Environnement Ségolène ROYAL
Monsieur Georges GINESTA, président de la CAVEM, député du Var
Monsieur Nello BROGLIO, vice-président de la CAVEM en charge de l'Environnement, porteur du plan
d'action ARECAP
Monsieur Olivier AUDIBERT TROIN, député du Var
Monsieur Jean-Michel COUVE, député du Var
Monsieur Jean-Pierre GIRAN, député du Var
Madame Geneviève LEVY, députée du Var
Madame Josette PONS, députée du Var
Monsieur Jean-Sébastien VIALATTE, député du Var
Monsieur Philippe VITEL, député du Var
Madame Marine BRENIER, députée des Alpes-maritimes
Monsieur Bernard BROCHAND, député des Alpes-maritimes
Monsieur Éric CIOTTI, député des Alpes-maritimes
Monsieur Charles-Ange GINESY, député des Alpes-maritimes
Monsieur Jean-Claude GUIBAL, député des Alpes-maritimes
Monsieur Jean LEONETTI, député des Alpes-maritimes
Monsieur Lionnel LUCA, député des Alpes-maritimes
Monsieur Rudy SALLES, député des Alpes-maritimes
Madame Michèle TABAROT, députée des Alpes-maritimes
Monsieur Gérard VERCNOCKE, président Groupement ELAN Antibes,
Monsieur Raymond GALLO, vice-président Groupement ELAN Antibes
Monsieur Guy Hily, Président du Collectif Méditerranéen pour la Sauvegarde des Palmiers

 

Lettre au format pdf ICI

Voir les réponses des Députés et du Ministre aux Députés ICI

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