Palmiers infestés par le CRP : situation de Menton
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- Publication : jeudi 27 octobre 2016 10:01
Au cours des deux dernières années, la ville de Menton a perdu plus de la moitié de ses exceptionnels palmiers patrimoniaux.
Au début de cette année, pour tenter de freiner l’hécatombe, la ville a mis en place un système remarquable d’organisation des traitements afin d’aider les particuliers à protéger leurs palmiers. La ville a proposé aux propriétaires de bénéficier de l’organisation et du prix des traitements qu’elle avait négociés avec une entreprise. Les traitements consistent en une alternance de pulvérisations de Confidor et de nématodes. Ces traitements pour être efficaces sont délicats et lourds à réaliser : douches bien ciblées sur la base des palmes qui impliquent, pour la majorité des palmiers patrimoniaux, l’utilisation d’une nacelle ou de systèmes fixes très peu couteux mais à déplacer deux fois par an ; chaine du froid pour les nématodes. Le plus contraignant est que ces traitements doivent être répétés toutes les 3 semaines. En conséquence, leur coût est très élevé.
Le prix négocié par la ville de Menton s’élève à 216 euros par palmier et par an et correspond à dix traitements par palmier. Ce prix est élevé mais il est très raisonnable de la part de l’entreprise: il correspond à une vingtaine d’euros pour une intervention qui nécessite le plus souvent d’importants moyens et la présence de deux opérateurs. A titre de comparaison Syngenta fait payer plus de 200 euros pour une seule intervention d’injection par an, extrêmement simple à réaliser, ne nécessitant qu’un opérateur, quatre à cinq fois moins de temps, aucun moyen ni lourd (travail à hauteur d’homme) ni sophistiqué (le pistolet Syngenta pourraient être avantageusement remplacé par un pistolet-doseur facilement disponible pour moins de 100 euros). Même le prix de 72 euros consenti par la multinationale dans le cadre du projet ARECAP apparaît, par comparaison, abracadabrant et injustifié.
Le prix des traitements par douches ciblées, même quand il est raisonnable comme à Menton, reste beaucoup trop élevé pour la majorité des propriétaires. Conséquence, les traitements ne sont appliqués que sur une proportion de palmiers beaucoup trop faible pour permettre la régression du ravageur et pour freiner l’hécatombe.
Nous avons proposé à la ville de Menton en janvier de cette année qu’elle s’associe aux efforts que nous avons engagés pour obtenir que le prix des traitements par injection (obligatoires si l’on adopte la stratégie nº3 de l’arrêté du 21 juillet 2010) soit le résultat d’une mise en concurrence normale entre les professionnels bénéficiant des agréments CRP et applicateur de produit phytosanitaire. Mais, les services techniques de la ville nous ont fait savoir qu’ils craignaient les conséquences des blessures faites dans le stipe des palmiers quand ils sont injectés.
Cette crainte est en partie légitime car nous savons que les plantes, à la différence du monde animal, ne reconstituent pas les tissus blessés. De plus chez les palmiers à la différence des arbres les trous des injections vont non seulement subsister mais ne seront jamais recouverts. Cependant contrairement à une idée fausse assez répandue, les plantes et les palmiers sont capables de « cicatriser » leurs blessures, en fait de les isoler. Néanmoins, il faut être prudent dans l’emploi de la technique d’injection.
Comme relevé par tous scientifiques indépendants qui ont publié sur cette question (voir Ferry et Gomez, 2014, Fruits,vol. 69 (2) 143-157), la règle de base est de limiter au minimum le nombre des trous d’injection. Cette technique ne peut en aucune manière être conçue comme un traitement phytosanitaire routinier, surtout si elle doit être employée à grande échelle comme nous le proposons.
Cela nous a conduit à recommander que la technique d’injection à base de Revive ne soit autorisée que dans le cadre d’une organisation collective des traitements appliqués sur un maximum de palmiers en un minimum de temps. C’est indispensable pour stopper l’hécatombe de palmiers mais surtout pour obtenir une régression massive du ravageur et du nombre de foyers, beaucoup plus faciles à éradiquer par la suite.
Cela permet également de concentrer sur une période courte les efforts à consacrer à cette opération, ce qui constitue un gage de sa faisabilité. Enfin, cela permet de réduire au minimum le nombre d’injection. C’est pour cette raison que nous avons recommandé que cette technique ne soit appliquée que dans le cadre de cette stratégie, dite de la dernière chance, et pendant une durée limitée à trois ans. Celle durée correspond d’ailleurs à celle qui a été recommandée également par le scientifique de Syngenta chargé du dossier Revive.
Dans ces conditions strictes d’emploi, les craintes que peut poser l’utilisation de cette technique ne nous paraissent pas justifiées. Par contre, les avantages qu’elle présentera par rapport aux autres techniques quand le prix des traitements sera fixé par le marché, seront tels qu’il va devenir de nouveau possible de mettre fin à la catastrophe en cours à Menton comme sur l’ensemble de la côte méditerranéenne.
Mais, il faut faire très vite.
Cette catastrophe est environnementale, patrimoniale mais également économique (voir ci-après l’article de M. Roturier) mais elle entraîne aussi un risque sans cesse croissant sur la sécurité des personnes et des biens.
Michel Ferry
Voir progression de la catastrophe environnementale en janvier 2016 en photos
AFPP-COLLOQUE MEDITERRANEEN SUR LES RAVAGEURS DES PALMIERS NICE- 16,17 ET 18 JANVIER 2013
CONSEQUENCES DIRECTES ET INDIRECTES DES NUISANCES OCCASIONNEES PAR LES FOYERS DE CHARANCONS ROUGES DU PALMIER DANS LES ALPES-MARITIMES
F. ROTURIER (1)
(1)Ville de Menton, B.P. 69 – 06502 MENTON Cedex, France
RESUME
Détecté pour la première fois sur la Côte d’Azur en septembre 2009, le charançon rouge du palmier (Rhynchophorus ferrugineus), s’est progressivement développé touchant chaque année, de plus en plus de communes. L’impact de cette invasion n’est pas seulement qu’environnemental et se traduit également par des conséquences économiques directes et indirectes parfois très lourdes à supporter pour les collectivités territoriales ou les particuliers.
En effet, elles peuvent aussi bien découler des investissements liés à la lutte préventive, soit en matière de communication ou de traitements, que des moyens engagés pour éliminer les foyers émergents. Les conséquences financières peuvent également être liées au tourisme : que serait la Côte d’Azur sans ses palmiers ? Quel serait le coût d’un accident provoqué par la chute d’un palmier infesté par le charançon rouge ? Toutes ces conséquences directes et indirectes méritent d’être prises en compte pour traduire réellement l’impact financier lié à l’invasion de ce ravageur.